mercredi 3 mai 2023

Guerre en Ukraine - Attaque au drone sur le Kremlin : Quid ? Quo vadis ?

Disclaimer : Durant la journée du 3 mai, l'Ukraine, à travers son Président Volodomyr Zelensky, a nié avoir frappé la capitale russe, insistant sur le fait que l'Ukraine ne cherche pas à éliminer le président russe, juste à libérer son territoire.


Pendant la nuit, plusieurs détonations ont été entendues dans Moscou.

Détonations dues à l'interception de plusieurs drones directement au-dessus du Kremlin, d'après les services de sécurité Russes.


Cette frappe et l'affirmation par les services russes que le drone intercepté était ukrainien soulève plusieurs questions.

La première est celle de la perméabilité de l'espace aérien russe. Certes, le drones (ou les) a été intercepté. Mais l'interception s'est effectuée au-dessus d Kremlin, le palais de la présidence, dans le centre de Moscou. Or, la défense du centre de Moscou a été renforcée en Janvier, avec l'installation de batteries anti-aériennes Pantsir S-1 (SA-22) sur camion Kamaz sur les toits moscovites. A l'époque, beaucoup avaient remarqué que les zones de couverture des différents postes AA se recoupaient au-dessus du Kremlin. Le Pantsir ayant une portée efficace de 20km (pour les missiles), le drone en question aurait dû, en théorie, être intercepté bien avant son arrivée au-dessus du Kremlin.

Une batterie de S-400 (que la Russie continue à vendre comme le meilleur système de défense anti aérienne du monde) est également présente au nord de Moscou. Une interception des drones au-dessus du Kremlin signifie que soit les drones ont réussi à être invisibles aux radars russes jusqu'à se trouver en phase finale d'approche, soit le positionnement des défenses russes les rends complètement inopérantes.

En effet, si le positionnement des batteries sur des toits moscovites leur permet d'étendre la portée des radars en évitant de créer des approches dans les zones d'ombre derrière les immeubles les plus élevés, la capacité de tir en dévers des postes anti-aériens, surtout pour des systèmes mobiles sensés se trouver à altitude zéro comme le Pantsir sur Kamaz, est limité, et peut créer des zones d'ombre dans leur couverture, à partir du moment où la cible se déplace à une altitude moins élevée que celle du lanceur.

Pantsir S-1 placé sur le toit du ministère de la défense russe à Moscou

Un autre point concernant la perméabilité du système de défense Russe : le point de départ du drone, et sa capacité à approcher Moscou sans être inquiété : le Kremlin n'a pas parlé d'autres cibles interceptées avant leur arrivée dans le ciel moscovite.

Distance entre le Kremlin et le point le plus proche du sol Ukrainien

A vol d'oiseau, la frontière Ukrainienne est, au mieux, à 550km du Kremlin. La vidéo ci-dessus montre bien que le drone intercepté ne vole pas à une vitesse élevée, ce qui signifie au minimum une heure de vol s'il a été lancé depuis l'Ukraine, en traversant une frontière qui devrait, en théorie, être densément couverte par les radars russes, pour éviter de nouvelles incursions et frappes ukrainiennes.

Une autre possibilité serait le contournement des radars russes en passant par la Biélorussie, mais cela ne laisserai que plus de temps aux russes ou à leurs alliés locaux pour repérer le drone en vol.

La dernière possibilité, qui a déjà été soulevée lors des frappes sur les bases de bombardiers stratégiques russes, serait l'utilisation par les ukrainiens de transpondeurs russes dans leurs drones, ce qui les ferait apparaître aux postes de défense russes comme étant des appareils de l'armée de l'air ou de la marine russe. Cette dernière hypothèse parait cependant un peu tirée par les cheveux, car elle signifierait que les défenses russes auraient laissé un appareil, quel qu'il soit, survoler Moscou en direction du Kremlin. On ose espérer pour les russes que personne ne laisserait ce genre de pénétration de la zone aérienne moscovite s'effectuer sans le moindre contrôle.

La possibilité d'un lancement depuis la frontière lettone ou plus au nord depuis la Finlande n'a aucun sens, car elle entraînerait les forces de l'OTAN dans un conflit que l'alliance continue à garder à distance.

Une dernière possibilité est un lancement depuis l'intérieur de la Russie, qui expliquerait en grande partie l'incapacité des forces russes à intercepter le drone avant son approche finale. Mais cette option n'est pas à l'avantage de la Russie, car elle signifierai que les forces Ukrainiennes sont capables d'aller et venir sur son territoire et lancer des drones armés sans être inquiétées.


On pourrait également facilement pointer du doigt une affaire entièrement Russe, avec une frappe organisée par les services de renseignement pour justifier (une nouvelle fois) l'intervention en Ukraine, ou une attaque perpétrée par une faction interne à la Russie, soit dans un but de déstabilisation du pouvoir, soit dans le cadre des luttes intestines à l'intérieur même du pouvoir russe.


La communication du pouvoir

Dans tous les cas, cette frappe pose beaucoup de questions, à 6 jours seulement du défilé du 9 mai.

Si la frappe est belle et bien Ukrainienne, cela va placer les services de sécurité sous tension pour le 9 : les ukrainiens ont montré que, théoriquement, ils peuvent frapper la Place Rouge. Même en cas d'interception, l'explosion de drones au-dessus d'un défilé à destination de propagande, diffusé en direct sur les chaînes étatiques, montrerait aux russes que la guerre lancée par leur Tsar s'invite jusque dans leurs foyers. Et rien ne serait pire qu'une poignée de véhicules en feu au milieu de Moscou, en direct à la télévision.

Si la frappe n'est pas Ukrainienne, la volonté de la montrer comme telle est étrange : elle montre une faiblesse et la vulnérabilité du centre névralgique de l'hyper-centralisée Russie de Vladimir Poutine. C'est donc une très mauvaise image à donner à l'extérieur.

Cependant, c'est là que nous autres, occidentaux, nous trompons souvent sur la cible de l'étrange propagande Russe : elle ne nous est pas destinée, elle est destinée à la population locale. Ce que nous voyons comme un énorme aveu de faiblesse dans un état qui se prétend "fort", est probablement conçu comme un message aux russes eux-mêmes : "regardez ces étrangers qui, sans raison (sic), essayent d'assassiner notre Lider Maximo bien aimé". Le commentaire officiel russe est d'ailleurs clair sur ce point : pour eux, la cible était Vladimir Poutine, et rien d'autre. Sous-entendu, une attaque contre Vladimir Vladimirovich est une attaque contre nous tous, car la Russie, c'est Lui.


Reste à voir les informations qui feront surface dans les jours à venir, et si l'organisation du 9 mai se déroule comme à l'habitude. Vladimir Poutine sera-t-il sur place ? Déjà à priori paranoïaque, présidant à certaines de ses fonctions par vidéoconférence, roi des tables géantes, celui qui est devenu calife à la place du calife il y a maintenant 23 osera-t-il se présenter devant les caméras alors que les drones ukrainiens se posent dans Moscou ?


Rendez-vous dans 6 jours.

samedi 8 avril 2023

Next Generation Squad Weapon et 6.8x51mm - Utile, ou non ?

Après des décennies de débat sur l'usage des munitions de petit calibre, de l'efficacité à longue distance de la 5,56x45mm OTAN, et l'engagement en Afghanistan des forces américaines, il semblerait que les Etats-Unis aient décidé, une fois pour toute (?), d'adopter un nouveau système d'arme, mais surtout, un nouveau calibre.

Le programme, appelé Next Generation Squad Weapon (NGSW), lancé en 2017, s'est terminé en 2022, avec la victoire de Sig avec le fusil XM5 - ensuite renommé XM7 - et le fusil-mitrailleur XM250, couplé à une optique pilotée de Vortex Optics et à la munition 6,8x51mm (.277 Fury).

Principaux concurrent du programme NGSW

L'un des éléments les plus importants du programme NGSW, au-delà des plateformes, était de proposer un nouveau type de munition "hybride", avec la restriction d'utiliser un projectile de 6,8mm de diamètre, permettant de se place exactement entre la 7,62 OTAN (.30 caliber) et la 5,56mm OTAN (.22 caliber).

Les différents fabricants ont donc proposé des armes utilisant des munitions conceptuellement différentes de l'habituelle balle chemisée cuivre avec un étui en acier laqué ou laiton.

SIG et Winchester proposent une munition à étui hybride, avec un culot en acier et une enveloppe en laiton.

General Dynamics Ordnance, une munition a étui composite polymère plastique/métal fabriquée par True Velocity.

Textron, une munition télescopique (où la balle est contenue dans l'étui et placée au milieu du propulseur, au lieu d'être devant celui-ci).

 

La munition choisie est donc l'étui hybride de SIG/Winchester. Loin d'être révolutionnaire.

 

Si le programme a un air de déjà-vu, c'est probablement car il donne l'impression d'être sorti tout droit des restes du programme ACR (Advanced Combat Rifle) développé pendant les années 80, pour l'étude de nouveaux systèmes d'armes légères devant remplacer le M16A2 dans l'armée américaine.


Ce nouveau programme n'est pas la première fois que les américains tentent de trouver un remplacement au fusils M16 et M4 en service dans ses forces armées. Tous les dix ans, grosso modo, un nouveau programme est lancé pour essayer de trouver quelque chose de mieux, dans une dimension qui soit assez quantifiable pour pouvoir être qualifiée comme étant un changement dans l'état de l'art

Beaucoup de pays le font dans tous les domaines, cherchant toujours comment prendre l'avantage, sans compliquer leur logistique et l'entraînement de leurs soldats.

Le programme SALVO, dans les années 50, mènera à l'adoption du 7,62x51mm comme calibre principal (et son imposition aux alliés de l'OTAN, face au .280/7mm British conçu pour le fusil EM-2).

La conclusion de SALVO sera cependant de continuer l'étude des munitions dites "intermédiaires", se plaçant entre les munitions de fusil issues de l'arrivée de la poudre sans fumée en 1896 (.303 anglais, .30-06 Américain, 7,92 Mauser...), considérées trop puissantes pour les fusils d'assaut introduits pendant les dernières années de la seconde guerre mondiale, et les munitions de pistolet (9mm Mauser, 7,65 Tokarev, .45 ACP...) utilisées dans les pistolets-mitrailleurs pour le combat à plus courte distance.

Ces études, suivant la conclusion de SALVO, mèneront au développement d'une version Magnum de la .222 Remington destinée à la chasse de petit gibier. Combinée aux études de Stoner et Sullivan chez ArmaLite en Californie, la nouvelle munition donnera, en 1965, l'adoption du fusil d'assaut M-16 en 5,56x45mm (.223 Remington).

ArmaLite AR-15 original. Les éléments issus de l'AR-10 en 7,62 sont bien visibles, comme le levier d'armement protégé par la rampe de la hausse.

Le M-16 est un changement de paradigme dans l'armée américaine. Si le fusil M14 n'est pas beaucoup plus qu'un M1 Garand avec un chargeur démontable (Beretta arrivera au même résultat en partant du Garand avec son BM-59), le M16 est résolument moderne : les éléments habituellement en bois (crosse, poignée pistolet, garde-main) sont désormais en polymère plastique plus léger, les pièces en acier sont remplacées autant que possible par un alliage d'aluminium, la munition plus légère permet un tir en rafales contrôlable...

Mais cela n'empêche pas l'US Army de lancer immédiatement un nouveau programme pour trouver son remplacement. Et avec de bonnes raisons : le M14 a été adopté en 1959 et remplacé en 1965, le département de la défense américain n'a pas de raison de penser qu'un nouveau remplacement ne sera pas développé sous 10 ans.

Le projet SPIW (Special Purpose Individual Weapon) est donc lancé dans les années 60. Le SPIW est globalement une nouvelle version de SALVO, cherchant à développer la nouvelle munition du futur (et le fusil allant avec), mais cette fois avec un petit calibre (.22) au lieu d'un gros (.30). Les différents acteurs proposeront des munitions fléchette, des munitions a sabot (telles que celles utilisées sur les chars de combat, en plus gros calibre), des munitions télescopiques, des balles doubles...

SPIW de AAI Corporation, tirant des munitions fléchette de petit calibre, avec lance-grenade intégré

La conclusion de SPIW sera l'adoption finale du M16 en 1966. Project NIBLICK, un projet tangentiel du SPIW visant à créer un lance-grenade intégré pour l'infanterie, mènera cependant au développement de la munition de 40mm basse pression, et aux lance-grenades XM148, M-79 et M-203.

Lance-grenades 40mm XM148 monté sur upper M16E1

L'US Army ressuscitera le programme trois ans plus tard, en 1969, sous la forme du programme "Future Rifle". Future Rifle sera mis en sommeil par le congrès américain, qui l'accusera de dépenser l'argent du contribuable en frivolités.

"Future Rifle" de AAI

En 1986, 10 ans après la fin du conflit au Vietnam et 4 ans après l'adoption du M16A2 (version modifiée du M16A1 utilisant un canon plus épais, rayé pour la nouvelle munition SS109 au standard OTAN), le programme ACR (Advanced Combat Rifle) est lancé. Une nouvelle fois, il étudie la possibilité de remplacer les munitions à balle chemisée et étui laiton avec poudre sans fumée.

ACR verra l'introduction et le test des habituelles munitions duplex (2 balles tirées par la même cartouche), fléchettes... mais cette fois, Hughes Helicopters propose une munition avec étui plastique (basé sur les munitions de chasse à étui hybride plastique/laiton), et Heckler & Koch sa munition sans étui, combinée au fusil d'assaut G11 développé pour l'armée Allemande.

Le programme ACR se terminera en creux, l'US Army ayant demandé une amélioration de performances de 100% par rapport au M16A2, à 200m de distance. Encore une fois, nous retrouvons cette nécessité de changement de paradigme.

Cependant, une des leçons du programme ACR sera l'importance des optiques de visée pour l'amélioration des performances de l'infanterie. A ce stade, la seule arme d'infanterie à posséder une optique grossissante d'origine est le Steyr AUG, équipé d'une optique x1,5. Avec les résultats de ACR, l'équipement des armes d'infanterie avec des optiques s’accélérera. H&K, dans les années 1990, proposera le G36 équipé d'origine avec un couple lunette/red dot, et l'US Army commencera à déployer des optiques avec ou sans grossissement sur le M16A2 et la carabine M4.

Elcan M79. Montée sur le prototype de l'ACR de Colt, l'Elcan sera adoptée par les forces armées canadiennes, puis par les forces spéciales Américaines.

Le M16 ACR mènera quand à lui Colt à proposer le M16A3 et le M4A1, tous deux équipés de poignées de transport/hausses démontables, donnant accès à un rail Mil-Spec-1913 pour le montage d'optiques de visée.

M16A4 présentant le remplacement de la poignée de transport d'origine par une optique ACOG 4x32.

Le programme G11 et les munitions sans étui de H&K, de leur côté, se retrouvent dans l'impasse suite à l'implosion du bloc de l'est entre 1989 et 1991. Adopté en cours de développement par la Bundeswehr, le coût du G11 est considéré comme exorbitant, face à une menace désormais disparue. D'un autre côté, l'Allemagne a besoin d'argent pour la réunification et la "mise à niveau" de l'Allemagne de l'Est.

La Bundeswehr adopte le G36, moins coûteux, basé sur une mécanique d'AR18 et chambré en 5,56x45mm OTAN. Les munitions sans étui sont rangées au placard.

Elements constitutifs de la munition sans étui de 4,7mm DM11 : propulseur solide, amorce, balle, bague de centrage plastique.

En 2010, en plein conflit Afghan et Irakien, l'US Army lance l'Individual Carbine Program, sensé étudier le remplacement de la carabine M4 par une autre plateforme en 5,56x45mm. Le programme sera bouclé sans entraîner de changements, mis à part chez les forces spéciales américaines, qui adopteront en nombres réduits le SCAR et le HK416.

Au milieu de tout ça, et d'une certaine façon indépendamment de tous ces programmes, on trouverai également l'OICW (Objective Individual Combat Weapon). Faisant partie du programme d'intégration technologique "Future Warrior" (combattant du futur), le XM29 OICW est conçu pour tout intégrer : un fusil d'assaut, un lance-grenade "intelligent" (dont les grenades peuvent être programmées selon le type de cible), optiques de visée avec compensateur balistique, télémètre, visée déportée...

XM29 OICW, le fusil du futur... en 1995.

Après divers tests et l'explosion du système en plusieurs pièces, les derniers restants du programme OICW (le lance-grenades XM25 et le fusil d'assaut XM8, un G36 modifié), seront annulés en 2005.

Le Next Generation Squad Weapon, c'est nouveau ?

Comme cela devient probablement évident, le NGSW n'est rien de nouveau.

Tellement rien de nouveau que SIG, durant Eurosatory 2022 (donc après la signature des contrats officiels avec les américains), présentait le XM5 (aujourd'hui XM7) et le fusil-mitrailleur XM250 chambrés en 7,62x51mm, la munition standard OTAN.

XM5 'US Army' a Eurosatory 2022, chambré en... 7,62.

Clairement, SIG n'est pas près à mettre tous ses œufs dans le même panier. Même si les contrats sont signés, et les tests de terrain programmés (en théorie), il n'est pas impossible que, comme lors des programmes précédents, les américains ne fassent pas demi-tour.

Pour plusieurs raisons:

Le changement de calibre n'a pas vraiment de sens. La munition de 6,8x51mm est un retour en arrière, et un retour en arrière de plus d'un demi-siècle. C'est une munition de fusil équivalente, peu ou prou, au 7mm Mauser de 1892 : une balle légèrement plus petite dans l'étui bouteille d'une munition de fusil déjà existante. Les changements de balistique et de puissance sont intéressants pour du tir de précision, mais complètement hors de propos pour un usage généralisé.

Fusil XM7

 

La puissance et le recul plus élevés changement complètement le mode d'utilisation. Les soldats passeront d'une munition permettant de doubler les tirs (très utile contre des cibles en mouvement) à une munition obligeant de toucher au premier tir, pour éviter de perdre la cible, comme avec le Garand ou le M14.

La puissance et le recul nécessiteront également d'augmenter le nombre d'heures d'entraînement pour maîtriser l'arme. L'US Army a d'ailleurs déjà annoncé que les munitions d'entraînement seront moins puissantes que les munitions de déploiement, ce qui aura un effet positif sur la vitesse d'entraînement, mais négatif sur les performances sur le terrain...

Les arguments de précision et de portée sont, au mieux, tendancieux. Un M4 ou HK416 fabriqué en 2023 est largement plus précis que 95% de ses utilisateurs. La portée, elle, est une leçon tirée de l'Afghanistan, et des tirs de harcèlement à longue distance subis dans le cadre d'une guerre asymétrique. Avec le retour de la guerre symétrique en Ukraine, et le fait que les tirs de harcèlement sont souvent traités à l'arme lourde, la leçon de la portée de l'infanterie semble être étrange. Sachant que la vaste majorité des engagements d'infanterie se font toujours à moins de 200m, et que les cibles au-delà peuvent habituellement être traités à l'aide d'une arme collective, souvent montée sur un Véhicule de Combat d'Infanterie...

L'argument suivant est celui de la protection balistique. Les forces Chinoises et Russes étant "définitivement" équipées de protections individuelles du même niveau que celles utilisées par les États-Unis, il serait nécessaire que l'infanterie transporte des fusils capables de percer ces protections balistiques.

Fusil-mitrailleur XM250

 

Cette logique est contredite par deux choses : la première est le développement dans les années 80 du programme PDW, sensé permettre aux troupes de l'arrière de pouvoir combattre des parachutistes/commandos soviétiques équipés de protections modernes. Les P90 et MP7 ont étés développés dans ce but. Mais, en 2022, tout le monde a pu constater que les parachutistes russes n'étaient en fait pas tous équipés de vestes pare-balles, et que même avec leurs protections balistiques modernes, ils ne faisaient pas long-feu face à des ukrainiens armés de façon moderne,  utilisant des munitions classiques (7,62x39, 5,45x39...).

Le deuxième élément contredisant la théorie du pare-balles est que, pour tout l'usage que les protections individuelles ont contre les munitions d'armes légères, leur principal rôle reste la protection contre les éclats d'artillerie ou de grenades. L'artillerie restant maitresse du champ de bataille, comme nous pouvons le voir actuellement en Ukraine. Même le meilleur gilet de protection actuel pourra être défait par plusieurs tirs direct avec une arme légère.

"L'armée Américaine a déjà passé commande et une usine est prête à produire les munitions"

MP5/10 en 10mm Auto
 

Pour cet argument-là, je me rabattrai sur l'expérience du FBI avec le 10mm Auto. Adopté en 1989 en réaction à une fusillade où les agents du FBI se sont retrouvés en difficulté avec leurs revolvers en 9mm, le 10mm Auto est abandonné en 1994 suite à des problèmes d'entraînement et de maîtrise par les agents. La munition ne restera en service que sur les MP5/10 avec le Hostage Rescue Team (unité d'élite avec des temps d'entraînement très élevés), avant d'être remplacée par le 5,56mm dans les années 2010.


Dernier argument, et non des moindres : les tests de terrain doivent débuter en 2024.

Les tests de terrain peuvent détruire le programme, tout simplement. Et considérant la masse élevée du XM7 (presque 4kg à vide, contre 3kg pour une carabine M4 SOPMOD2), il est possible que les remarques négatives arrivent avant même que les soldats ne commencent à tirer.

Viendra ensuite l'épreuve du coût, s'il est nécessaire de remplacer toutes les armes en 7,62x51 et 5,56x45mm de l'armée américaine : mitrailleuses coaxiales sur les véhicules blindés, M134 sur les hélicoptères et les navires...


Et, dans tous les cas, l'adoption de la nouvelle munition 6,8mm crée un problème d'interopérabilité logistique avec le reste de l'OTAN. Mais cela, les américains ne semblent pas s'en soucier. Probablement persuadés qu'ils pourront simplement imposer leur choix de façon unilatérale, comme ils l'ont fait en 1959 avec le 7,62mm.

dimanche 26 mars 2023

Fulda, Ukraine et les contre-performances russes.

Le saillant de Fulda (ou Fulda Gap en anglais), un nom lourd de sens pour ceux qui ont étudié (ou vécu) la Guerre Froide.

Dans un monde où les forces du Pacte de Varsovie s'apprêtaient, à tout moment, à nous envahir, les axes de pénétrations restaient malgré tout peu nombreux. La conflagration devant (forcément) s'effectuer en Europe, et non à la frontière commune URSS/États-Unis entre la Sibérie et l'Alaska, les forces de l'Est devraient projeter leurs chars de bataille pour avancer jusqu'aux Pyrénées (plan des "7 jours" de 1979).

D'après les études de l'OTAN, les chars soviétiques, Polonais, Tchécoslovaques et Hongrois avanceraient à travers l'Allemagne.

 

Topographie de la région de Fulda

Un passage plus au sud, par le Nord de l'Italie étant trop compliqué : le seul axe de progression passerait par l'Autriche (la Yougoslavie étant "non alignée", passer ses frontières pour accéder à la côte était exclus). La frontière Austro-Italienne est cependant constituée de hautes montagnes difficiles à traverser, comme en témoignent les âpres combats entre Austro-Hongrois et Italiens lors de la première guerre mondiale. Les forces de Varsovie auraient ensuite à passer une seconde frontière montagneuse, la frontière Franco-Italienne.

Des trois axes de pénétration en Allemagne (Au nord le long de la côte, au centre à Fulda, au sud via l'Autriche), l'OTAN choisit comme point de défense principal la vallée s'ouvrant sur Fulda, car sa capture permet une progression rapide jusqu'à Francfort, puis le Rhin, dans des plaines facilement praticables par les forces mécanisées soviétiques.

La stratégie de l'OTAN est relativement simple : avoir assez d'unités américaines et de chars de la Bundeswehr pour stopper les russes, le temps que les Etats-Unis puisse déployer plus d'unités en renfort, et que les troupes blindées françaises (les plus proches qui ne seraient pas déjà engagées dans les combats) arrivent de Strasbourg.

Dans cette optique de défense de Fulda, la vaste majorité des matériels occidentaux ont étés conçus pour le combat contre des divisions blindées en plaine : les avions d'attaque tels que l'A-10, les hélicoptères d'attaque permettant le tir off-boresight (tir en "cloche" de missiles guidés à l'aide de mats de rotor), et une concentration sur la distance de tir pour les chars d'assaut et toutes les armes anti-char, permettant de monter des embuscades contre les forces soviétiques, et de les engager sans que les chars russes soient à portée des forces alliées.

Hélicoptère Tigre allemand, équipé d'un pod de guidage sur mat pour le tir à couvert "off-boresight"

Une fois les forces françaises, américaines et anglaises rassemblées sur place, l'OTAN lancerait une grande contre-offensive au niveau de Fulda, repoussant les forces du Pacte jusqu'au rideau de fer, et, théoriquement, jusqu'à Moscou.

  • Pourquoi Fulda peut être importante pour l'Ukraine.

A l'heure où ces lignes sont écrites, l'Ukraine se trouve à un moment pivot face aux Russes : ils ont stoppé la progression de ces derniers, ont repris du terrain grâce à des contre-offensives en septembre-octobre, et ont stabilisé le front (les offensives de l'hiver 2022-2023 se sont soldés par des échecs côté Russe).

A ce stade, le front du secteur sud s'ouvre sur une plaine allant de Kherson à Marioupol, et descendant jusqu'au centre de la Crimée.

Topologie de l'Ukraine. Le front sud, au 26/03/2023, va de Kherson à Zaporozhye.

Les livraisons de matériel au standard OTAN, jusqu'à présent plutôt limitée à du matériel de défense (postes LRAC guidés, systèmes anti-aériens), commence à comprendre des systèmes plus offensifs : l'armée ukrainienne reçoit des chars Leopard 2, des bombes et missiles guidés (JDAM, AGM-88), transports de troupes (VAB, Bradley...), auto-mitrailleuses (AMX-10RC).

Tous ces matériels, si leur âge est avancé pour certains, ont étés conçus dans un but précis, contre-attaquer contre les forces russes (soviétiques) dans les plaines allemandes.

  • La force d'opposition russe

De son côté, si l'armée Russe était impressionnante en 1985, ou en 2021, ses forces se sont amenuisées en compétence et en matériel depuis le début de la guerre, en février dernier.

Suite aux pertes conséquentes depuis février 2022 (au moins 1894 chars détruits, 2240 véhicules de combat d'infanterie, 300 véhicules du génie perdus...), les chars et transports de troupe modernisés laissent de plus en plus la place à des versions anciennes, datant des années 70 (T-72A et T-80B), voire pire. Nous avons déjà fait un point sur l'usage par les russes du vénérable T-62 - dont plusieurs unités ont été détruites lors de l'offensive russe sur Vulhedar début 2023. Mais les dernières informations tendent à pointer vers la sortie de cocon de chars modèle T-54.

 

Si les usines russes continuent manifestement à livrer des chars T-90 et T-72 aux forces armées russes, les pertes sont trop élevées pour qu'elles arrivent, pour le moment, à les compenser. Avec l'arrivée du printemps, l'Ukraine, si elle perçoit assez de matériel de la part de ses alliés, pourrait monter une nouvelle offensive dans les plaines du sud, en appliquant, à son échelle, les stratégies développées par l'Ouest pour le combat à Fulda, et qui ont ensuite permis d'écraser, en un mois de 1991, l'armée Irakienne.

Permettant à tout ce matériel, conçu pour détruire l'armée Russe, de réaliser son "destin".

samedi 25 mars 2023

Mirage 2000 en Ukraine

Disclaimer : Ce sujet a été publié pour la première fois sous forme de fil Twitter le 28 janvier 2023.
Bien entendu la mise en page Twitter rend les choses légèrement  moins lisibles et force des décisions éditoriales.
 
 
Mirage 2000C de l'Armée de l'Air française

 
Suite à un article du journal anglais Telegraph sur le sujet, les médias (et le gens en général) s'intéressent beaucoup, ces derniers temps, au Mirage 2000 et à la possibilité d'en livrer aux forces aériennes Ukrainiennes, dans le but de remplacer leurs appareils aux standards soviétiques par des appareils aux standards OTAN.

Certains, cependant, avancent que le Mirage 2000 est un appareil "dépassé", voire obsolète.
Pourquoi ?
Car il a été développé dans les années 1970 (comme remplaçant du Mirage III), et mis en service dans les années 1980. Ce qui le rendrait vieux et dépassé.

Ne nous mentons pas, le Mirage 2000, en tant qu'appareil de 4e génération, est relativement vieux lorsque l'on regarde sa mise en service.

Est-ce pour autant grave ?
Pas vraiment, pour plusieurs raisons dont nous allons parler maintenant.
 
Mirage 2000-5

 

  • Raison 1 : Le Mirage est dans la moyenne des plateformes toujours en utilisation.

Le Mirage 2000 n'est pas le seul appareil développé dans les années 70 à toujours être utilisé dans des missions d'interception et d'attaque au sol, loin, très loin, de là.

S'il est déployé en Ukraine, il se retrouvera face aux appareils des VKS, les forces aériennes russes.

Sukhoi Su-27M de l'armée de l'air russe (VKS)


Le cheval de bataille de l'armée de l'air russe, comme nous l'avons déjà vu précédemment, est un mélange de Sukhoi 27, 30 et 35, déployés au-dessus du ciel Ukrainien et de la mer noire, alors que la marine russe déploie le Su-33.
Si les chiffres s'incrémentent, la base de départ reste la cellule du Su-27, qui a fait son premier vol en 1977 et a été modifiée par les assembleurs de Sukhoi dans un but de modernisation.

Les forces russes utilisent également des Mig-31 basés en Crimée, qu'ils utilisent comme intercepteurs moyenne et longue distance (pour éviter de les mettre à portée des défenses anti-aériennes Ukrainiennes).

Mig-31 Russe

Le Mig-31, pour sa part, a volé pour la première fois en 1975.

Du côté des forces de l'OTAN, l'histoire est un peu la même.

Panavia Tornado anglais

Beaucoup de forces européennes déploient toujours le Tornado, un très bon appareil multirôle à géométrie variable, qui devrait disparaître au profit du F-35.
Le Tornado a volé pour la première fois en 1974.

F-15 Eagle

Le F-15 américain, sensé être remplacé par le F-22, ne le sera probablement pas. Sensé être retiré du service en 2010, les diverses versions du F-15 ne devraient pas disparaître des airs avant 2030 au plus tôt.
Premier vol en 1972, pour une entrée en service en 1976.

YF-16 et YF-17 en essais en vol, 1974

Le F-16, proposé également comme appareil multirôle à livrer à l'Ukraine, effectue son premier vol en 1974, et est à l'origine en concurrence avec le YF-17, qui sera redéveloppé pour l'US Navy en tant que F/A-18 Hornet.
La Finlande, en cours de rééquipement sur F-35, débat actuellement la livraison de ses F/A-18 à l'Ukraine.
Les américains ont redéveloppé le F/A-18 C en "Super Hornet" (version plus grosse et plus puissante) en 1995, et le F/A-18E/F reste en service dans l'US Navy aux États-Unis.

En bref : la vaste majorité des armées considérées modernes dans le monde, Russie comprise, utilise des appareils développés à l'origine dans les années 1970.
Est-ce qu'ils sont tous obsolètes pour autant ?

La réponse est non. Car un avion de chasse, ça coûte très, très cher. C'est donc un investissement à long terme, qui est remis à jour régulièrement.
Ces appareils ont donc étés modernisés au cours des années.

  • Raison 2 : La modernisation du Mirage 2000

Bien entendu, le Mirage 2000 n'est pas en reste. Il a été modernisé au fur et à mesure de son service, et la chaîne de production n'a été fermée qu'en 2007, avec la production du dernier Mirage 2000-5 Mk2 à destination de la Grèce.

Mirage 2000-5 Grec
 
La fin de la production n'a pas pour autant stoppé les programmes de rétrofit.
En 2019, l'armée de l'air indienne demandait même l'intégration du missile air-air longue portée Meteor de MBDA sur leurs Mirage 2000-5, pour leur permettre d'avoir un missile BVR (Beyond Visual Range) commun entre le Mirage 2000 et leurs nouveaux Rafale. Cela leur aurait permis d'arrêter d'acheter des missiles MICA-ER pour le seul Mirage.

Missile MBDA Meteor, d'une portée de 200km, avec une no escape zone de 60km.

L'intégration du Meteor ne s'est pas faite, pour des questions bassement pécuniaires. Mais cela montre que le Mirage 2000 est toujours en évolution.

Le fait est que, tout appareil de 4e génération qu'il est, le Mirage 2000 a intégré les technologies développées depuis son entrée en service en 1984, et le Mirage 2000-5 est un intercepteur performant, capable de combat aérien moyenne et courte portée.

Mirage 2000 en configuration d'interception longue distance

  • Raison 3 : l'intégration OTAN
 
Au-delà des technologies inhérentes au Mirage 2000 lui-même, l'appareil offre également un autre avantage : il est complètement intégré dans le système aérien de l'OTAN.
Le Mirage 2000 peut être ravitaillé en vol par les KC-135 et A330MRTT des forces aériennes de l'OTAN.

Le Mirage 2000 est également équipé de systèmes compatibles avec le Link-16.
Peu connu du grand public, le système "Link" est un protocole de communication data, qui permet aux matériels compatibles d'échanger des informations entre eux, en continu, pour s'intégrer dans un champ de bataille virtuel complet.
Le Link-16 permet, entre autres, la communication entre les avions de chasse, les défenses aériennes et les systèmes de radar, au sol comme en vol.

 
Cette communication d'informations en Link-16 permet également le partage d'informations de ciblage. Un Mirage 2000-5 peut ouvrir le feu, avec un missile MICA-ER, sur une cible qu'il n'illumine pas lui-même. Sa cible peut être illuminée par un radar au sol, ou un appareil de surveillance de type AWACS E-3.

Cela signifie qu'un Mirage 2000-5 peut effectuer des tirs "par dessus l'épaule" (sur un appareil se trouvant derrière lui), ou intercepter des cibles qui lui sont invisibles, servant simplement d'avion lanceur au profit d'un radar longue portée ayant identifié des cibles à longue-distance. Permettant par exemple de faire le tri entre un bombardier Tu-95 en phase de tir d'un missile de croisière, et les appareils civils présents dans la même zone.

Mirage 2000D équipé de bombes à guidage laser

Et nous nous sommes limités ici à l'étude des appareils de chasse et d'interception. Le Mirage 2000D biplace et les variantes 2000-5 Mk2 et 2000-9 monoplaces utilisés par la Grèce et les Émirats Arabes Unis possèdent une capacité d'attaque au sol leur permettant l'utilisation du MM39 Exocet anti-navires, du missile de croisière SCALP, ainsi que de tout le panel des bombes guidées ou non, comme les GBU laser et les JDAM à guidage GPS.

  • Pour finir

En résumé, le Mirage 2000 est un appareil multirôle parfaitement capable d'être déployé en Ukraine, sans craindre les appareils de la chasse russe.
Ou même les capacités anti-aériennes déployées par Moscou, grâce à des armes d'engagement à distance lui permettant de se tenir loin de celles-ci.

La version 2000-5, en particulier, permet une intégration dans un système de défense au standard OTAN qui n'est aujourd'hui pas possible avec les Sukhois et Migs déployés par les forces armées ukrainiennes.

Ceux qui le déclarent complètement dépassé n'y connaissent pas grand-chose.


Petites précisions suite aux dernières annonces durant le mois de mars : le déploiement des Mirage 2000C retirés du service en 2022 n'est à priori pas d'actualité, car les moteurs M53 montés sur ceux-ci sont supposés être utilisés sur les Mirage 2000-5 toujours en service sur la base aérienne 116 de Luxeuil. Cependant, certaines rumeurs font état d'appareils disponibles en Grèce et dans les pays du Golfe (EAU et Qatar).

Certains médias ont fait état de formations en cours pour les Ukrainiens à Mont-de-Marsan (BA118) et Nancy (BA133). Si la formation sur Mirage à Mont-de-Marsan est improbable - la BA118 sert plus de base de démonstration pour les délégations étrangères, et n'accueille pas de Mirages en temps normal - une formation de pilotes à Nancy pointerai vers une formation à l'attaque au sol, Nancy-Ochey étant équipée de Mirage 2000D.

dimanche 19 mars 2023

Industrie de l'armement Russe : plus assembleurs que concepteurs ?

Disclaimer : Ce papier est fortement inspiré par un fil Twitter du 10 octobre 2022, en anglais.

 

Depuis la chute de l'URSS en 1991, jusqu'au début de l'invasion de l'Ukraine en février 2022, l'industrie de l'armement russe avait réussi à s'imposer comme second plus gros exportateurs de canon du monde, directement derrière les États-Unis.

Si la Russie a amplement profité du clientélisme technique de l'URSS, s'assurant des contrats dans des pays voulant garder des standards communs (Chine, Vietnam, Syrie, Venezuela...), et de la nécessité de fournir des pièces détachées dans les pays ayant profité des trafics d'armes soviétiques des années 90, elle a également réussi à s'imposer sur des marchés plus ouverts, notamment en Inde ou en Afrique du Nord (Égypte, Algérie...).


Pourtant, cette industrie à l'apparence puissante peine à fournir son propre pays en équipements et matériels modernes.

La Russie perd des quantités incomparables d'équipements sur le champ de bataille Ukrainien, face à une défense et des contre-offensives âpres. Loin d'être capable de remplacer ces matériels, l'industrie de l'armement Russe tend à se replier sur des matériels "Legacy", hérités de l'Union Soviétique, et de plus en plus anciens.

L'industrie russe dans son ensemble, mais plus spécialement l'industrie de l'armement, semblent être en situation de difficulté face aux sanctions Américaines et Européennes. La fermeture d'entreprises étrangères produisant et vendant des pièces techniques sur le sol Russe, tels que les roulements à billes et les paliers, impacte également tous les clients de la défense russe.

L'armée Russe elle-même s'est retrouvée bloquée par des problèmes de pneus, incapable de se fournir, ressortant des gommes datant de l'époque soviétique en 2022.

Pourtant, l'URSS a été quasiment indépendante dans le domaine de l'armement jusqu'à sa chute en 1991. Et, suite à l'invasion de la Crimée en 2014 et les sanctions qui l'ont suivie, l'industrie russe a pu profiter de 8 années pour se réorganiser en vue de l'invasion, et relancer la production nationale, assurer son indépendance technique, et stocker du matériel et des pièces.

Après tout, ce sont les russes qui ont lancé la guerre. En toute logique, ils auraient dû s'y préparer, certainement ?

Pourtant, dès que l'on décide de jeter un œil plus critique, au-delà de la propagande telle que le biathlon des chars, la situation de l'industrie Russe est bien plus logique qu'elle n'y paraît.

Petite analyse.

Phase 1 : les bricolages de l’Étranger

Quiconque s'est un jour penché sur l'industrie de l'armement en France se rend rapidement compte que l'un des très gros marchés courtisés par les entreprises, petites et grandes, est celui de la remise à niveau du matériel soviétique et russe. De toutes les époques, pour tout le monde.

Et les industriels français ne sont pas les seuls à s'être penchés sur la question : tous les pays ayant une capacité industrielle significative ont l'air d'avoir des programmes de remise à niveau pour le matériel Russe.

Pourquoi ce marché est-il si étendu ?

Tout d'abord, simplement pour des raisons de clientèle. L'URSS était un pays extrêmement dispendieux envers les "pays frères", distribuant à la pelle du matériel militaire aux quatre coins du monde. L'URSS était également une machine à standardiser : du fusil AKM aux avions de chasse, les productions soviétiques comme leurs copies externes étaient toutes produites à partir des mêmes documentations techniques, permettant une interchangeabilité et une interopérabilité dont l'OTAN ne peut que rêver.

Et donc, à chaque changement l'alignement, et surtout à la chute de l'URSS, des marchés se sont ouverts pour la remise à niveau de matériel d'origine soviétique.

T-62 Syriens dans les années 70. Équipant de nombreux pays Arabes, les T-62 et T-55 font partie des cibles commerciales pour remise à niveau.

Cette large distribution des équipements signifie aussi que la France, les États-Unis, Israël, l'Afrique du Sud et tout un tas d'autres pays se sont retrouvés à capturer et collecter du matériel soviétique au cours des décennies de la guerre froide. Chaque pièce d'équipement était démontée par les ingénieurs de l'armement pour en connaître les faiblesses, avant d'être mise à la disposition des industriels (d'état ou privés), de façon à permettre de créer les équipements pour les contrer, les brouiller et les détruire. Par la même occasion, ces industriels en profitaient pour concevoir des moyens d'en améliorer les performances, dans l'optique de décrocher de juteux contrats chez de nouveaux alliés, ou des pays non alignés.

Une fois étudiés de fond en comble, les équipements étaient ferraillés, ou remontés pour apparaître dans des musées (Bovington, Saumur pour les blindés, Le Bourget pour l'aviation, etc).

Mil Mi-24 "Hind" Lybien, capturé par la France au Tchad, chargé dans un C-5 du MAC Américain en 1988, pendant l'opération "Mount Hope III"

La raison finale est la perte de vitesse de l'URSS en matière technique, à partie des années 1970. Avec sa structure rigide punissant la pensée "subversive", menant à une fuite des cerveaux vers l'Ouest et à un conformisme d'état ne favorisant pas l'innovation, l'URSS peine à générer de nouvelles technologies, se bornant à développer des systèmes existants, ou à copier les technologies développées à l'Ouest. La méthodologie d'emploi de l'armée russe, mettant l'accent sur la quantité au dépit de la qualité, n'arrange en rien ce problème de perte de vitesse.

La résultante est le développement d'équipements militaires étant sous les standards du "correct", pour les pays de l'Ouest. Ces derniers vont donc intégrer leurs technologies les plus avancées dans les matériels capturés, avec des améliorations telles que l'intégration d'optiques de meilleure qualité, de la géolocalisation, de capacités de combat de nuit... et le passage à des munitions standardisées OTAN, pour remplacer celles d'origine soviétique.

Déjà existant dans les années 60 à 80, ce marché explose avec la fin du Pacte de Varsovie, et le rattachement à l'OTAN et l'Union Européenne de nombreux pays anciennement sous la bonne Soviétique, qui désirent passer aux standards de leurs nouveaux alliés, sans pour autant dépenser leurs maigres (à l'époque) économies a remplacer du matériel d'origine Russe, souvent quasiment neuf et tout à fait exploitable.

Char Israélien Tiran-5Sh : un T-55 soviétique, équipé d'un canon anglais L7 de 105mm OTAN, optiques modernisées, poste radio Israélien, aménagement intérieur amélioré...

Un bon exemple de ce type de modification est le Mi-24 SuperHind de la firme Sud-Africaine ATE dans les années 90. ATE, un assembleur local ayant travaillé sur l'hélicoptère d'attaque Rooivalk de Denel dans les années 80, décident d'appliquer ce qu'ils ont appris au Mi-24 russe (l'un des hélicoptères d'attaque les plus communs en Afrique dans les années 90). Ils débutent avec l'intégration de capacités de vol de nuit et de géolocalisation sur le SuperHind MkI, et, à force d'itérations et de nouvelles intégrations, créent une version du Mi-24 équipée des capacités exactes du Rooivalk de Denel (tourelle téléopérée tout-temps, vol de nuit, tir de missiles guidés télévision ou laser...), tout en gardant le blindage et la capacité de transport spécifique au Mi-24 Hind.

L'aventure du SuperHind s'arrêtera (après la vente d'appareils au standard MkIII à l'Algérie et Azerbaidjan) lorsque ATE partira marcher sur les plates-bandes russes, en proposant la remise à niveau de leur flotte aux Ukrainiens et Kazakhs.

SuperHind Mk.V du Sud-Africain ATE, un exemple de remise à niveau profonde d'un matériel russe, surpassant largement les capacités de l'original.


Phase 2 : Oligarchie et dépendances (aux technologies de l'Ouest)

Dans cette situation, les industriels russes, dirigés par des oligarques proches du pouvoir, et plus désireux de se mettre de l'argent dans les poches que d'assurer l'indépendance technologique de la Russie, n'ont strictement aucun intérêt à développer du neuf.

Pensez : ils peuvent simplement prendre des plateformes qu'ils n'ont pas payées, les sortir des cartons tamponnés "propriété de l'URSS", acheter des éléments sur étagère à l'étranger, et revendre des unités complètes, d'un niveau plus que correct, sans avoir à faire travailler leurs bureaux d'études.

Par exemple, il suffit de prendre un Sukhoi-27, ajouter des kits de modification de chez Sagem, Thales et Elop, mettre une étiquette Su-30 ou Su-35 dessus, et hop, profits maximum (85 millions l'unité).

D'un point de vue purement mercantile, passer de développeur à assembleur est parfaitement logique :

- C'est moins cher
- C'est plus rapide
- C'est plus facile

Les chaines de production existant déjà, il suffit de continuer à les faire tourner. Et, en cas de problème, il suffit de renvoyer le client au service SAV du développeur d'origine...

Électronique de T-90M russe, démonté par les ingénieurs des forces armées Ukrainiennes. Le module Thalès Catherine FC est facilement visible à ses marquages.

 

Phase 3 : Profit


 

La Russie des années 80 était dans un fossé technologique, pourquoi dépenser l'argent si quelqu'un l'a déjà fait à votre place ?

Et c'est ce qu'ont fait les industriels de l'armement russe. Ils se sont mis de l'argent dans les poches en assemblant simplement des kits de rétrofit sur des vieilles plateformes, directement à l'usine.

Et leurs méthodes ne sont devenues que plus efficaces avec les consolidations décidées par Vladimir Poutine dans les années 2000. Sans la concurrence de Mikoyan, Sukhoi a pu facilement prendre l'ascendant dans UAC, et vendre ses équipements à l'état russe et ses alliés en faisant autant de marge qu'humainement possible.


Et ça a marché pendant des années. Tout le monde s'en mettait plein les poches, russes comme fournisseurs. Les pontes du Kremlin eux-mêmes ont probablement profité de ce système pour toucher d'épaisses enveloppes pendant des années.


Puis Vladimir a décidé d'envahir l'Ukraine, et de tout gâcher.

samedi 18 mars 2023

MQ-9 vs Su-27 sur la mer noire

Suite à l'interception d'un MQ-9 "Reaper" américain au-dessus de la mer noire par l'aviation russe du 14 mars 2023, un petit papier "à chaud", ou presque.


  • L'incident

Le 14 mars 2023, lors d'un vol dans l'espace aérien international au-dessus de la mer noire, l'US Air Force déclare avoir perdu un drone MQ-9 "Reaper", présent sur zone pour surveiller le secteur dans le cadre de la protection des frontières de l'OTAN dans la région. L'US Air Force annonce également que le drone a été percuté par un chasseur russe Su-27 lors de manœuvres considérées dangereuses et non professionnelles.

Carte de la mer noire. Roumanie, Bulgarie et Turquie sont des membres de l'OTAN.

La Russie reconnaît qu'un drone américain est tombé dans la mer noire alors que des Sukois l'interceptaient, mais annonce, pour sa part, que les pilotes russes n'ont fait aucune manœuvre contre l'appareil, et qu'il est simplement tombé de lui-même.

Le lendemain, le DoD américain déclasse la vidéo de l'incident, enregistrée par le drone de surveillance, qui fait rapidement le tour du monde :

Faisons donc un tour de l'incident.

  • Le General Atomics MQ-9 "Reaper"

Drone MQ-9 Reaper de General Atomics. Le MQ-9 est destiné à la surveillance armée et à l'attaque au sol/appui-feu.
 

Le MQ-9 est fabriqué par la firme américaine General Atomics Aeronautical Systems, Inc., basée en Californie et issue du pétrolier Gulf Oil, dans les années 60. A l'origine créée pour gérer le développement de réacteurs nucléaires par Gulf, General Atomics crée une branche aviation et drones au début des années 90.

En 1995, General Atomics livre les premiers drones de surveillance RQ-1 (R pour Reconnaissance, Q pour sans pilote).

MQ-1 Pretador en configuration appui-feu

Le RQ-1 est rapidement modifié pour emporter des moyens d'attaque au sol (missiles guidés Hellfire...), et prend en 2002 la désignation officielle MQ-1 (M pour multirôles), et est surnommé "Predator" (prédateur).

Très rapidement, General Atomics travaille sur un "Predator-B". Cette nouvelle version remplace le moteur Rotax à pistons par un turbopropulseur, gagne en tonnage (et donc en voilure et en emport), et aboutit sur le MQ-9, surnommé "Reaper" (la faucheuse).

Le MQ-9 entre en service en 2007, et est utilisé par les Etats-Unis, mais également un grand nombre de forces aériennes de l'OTAN, dont l'Armée de l'Air et de l'Espace française.

Le MQ-9 est un drone de surveillance et d'appui-feu d'environ 2,5 tonnes, capable de rester 14h en vol à une vitesse de croisière de 300 km/h, et piloté depuis une base (souvent loin du front) via satellite.

Comme on peut le voir sur la vidéo de l'incident, le MQ-9 intercepté n'est pas armé, et donc purement en mission de surveillance.

  • Le Sukhoi Su-27

Sukhoi-27 Russe

 Le Sukhoi Su-27 est un chasseur monoplace multirôle, développé dans les années 70 et 80, et qui sert de principal cheval de bataille aux forces aériennes russes depuis la consolidation du bureau d'études et des capacité de productions de Mikoyan (anciennement MiG) et Yakovlev dans le consortium d'état PJSC United Aircraft Corporation en 2006, qui a mené à un phagocytage complet de l'aviation Russe par Sukhoï.

(NDR: Avec la consolidation des capacités d'étude et de production russes, leurs avionneurs sont devenus souvent de simples assembleurs.)

Sukhoi produit aujourd'hui plusieurs modèles de chasseurs basés sur le Sukhoi-27 (Su-30, Su-33 navalisé, Su-35 et Su-34).

Le Sukhoi 27 est entre autres connu pour la manœuvre du Cobra, impressionnante visuellement mais complètement inutile (et fatigante pour la cellule) dans un monde où la majorité des engagements s'effectuent à distance, avec des missiles guidés.

Manœuvre du "Cobra", destinée à esquiver un ennemi en combat rapproché (dogfight)

Le Sukhoi-27 est un appareil multirôle et un intercepteur décent, mais l'entrée de son dérivé Su-35 dans divers tests dans les années 90 et 2000 (en Corée et au Brésil, entre autres) ont montré les limites de la plateforme face aux appareils au standard OTAN.

Le Su-27 et ses dérivés restent la colonne vertébrale de l'armée de l'air Russe, en attendant l'arrivée (annoncée depuis les années 90) du Su-57 de nouvelle génération.

  • Interrogations sur les manœuvres russes

La vidéo plus haut montre qu'avant l'impact, les chasseurs russes (au nombre de deux, d'après les sources officielles) ont commencé par pulvériser du kérosène sur le drone, avant qu'un pilote fasse une fausse manœuvre et le percute, mettant fin à l'interception avec la perte de propulsion et le crash du drone. Pour plus d'informations sur les raisons de l'impact, je vous renvoie à une vidéo sur la chaîne du pilote de chasse ATE, ex-Marine nationale :


Au-delà de l'impact, à priori imprévu et non voulu, la question des actions russes se posent.

Qu'essayaient-ils de faire en projetant du kérosène sur le drone ? La manœuvre est très risquée, le kérosène largué venant du réservoir principal des appareils (qui volent sans réservoir supplémentaires dans la vidéo). Les pilotes prennent donc le risque de ne pas pouvoir rentrer à la base en faisant ces manœuvres.

L'effet du kérosène sur le drone est également un gros point d'interrogation : le kérosène pulvérisé par un vide-vite se disperse et s'évapore, ne laissant qu'un film léger sur certaines surfaces. Il est donc peu probable que le dégazage gène les capacités de surveillance du drone. On peut d'ailleurs constater sur les vidéos que même en filmant directement le passage des avions russes, la caméra (qui est située sous le nez du MQ-9) ne semble pas impactée par les épandages répétés (au nombre de 12, d'après l'US Air Force).

Il est également peu probable que le kérosène déversé en vide-vite puisse avoir un effet sur la motorisation du drone : le MQ-9 utilisant un turbopropulseur, la saturation en kérosène de l'air aspiré nécessiterai d'être extrêmement élevée pour pouvoir stopper la turbine, qui repartirait probablement d'elle-même après quelques secondes, une fois le surplus évacué. Même le moteur à pistons turbocompressé Rotax du MQ-1 n'aurait fait que tourner très riche quelques instants, avant de repartir normalement.

Vue en coupe d'un turbopropulseur. Le kérosène aspiré ne ferait que ressortir par l'échappement après avoir traversé le moteur.

 

La question du but de la manœuvre reste donc entière, considérant les risques pris par les pilotes russes.

  • La réponse américaine, et pourquoi elle est parfaitement logique

La réponse américaine a été rapide sur le sujet : les pilotes russes sont des amateurs, et ce genre d'incident montre qu'il n'ont pas un niveau approprié pour les missions d'interception.

Les analystes internationaux ont également rapidement fait remonter le fait que les Russes utilisent ce type de méthodes de coercition lors d'interceptions en mer ou dans les airs, en zone internationale, avec une régularité qui fait froid dans le dos. Et qu'une recrudescence des vols très basse altitude en Syrie a lieu depuis le début du mois de mars.

En tout temps, les pilotes soviétiques et russes ont étés très agressifs envers les appareils et navires de ceux qu'ils perçoivent comme leurs ennemis, c'est à dire les pays Européens et les États-Unis. Et ce même si la qualité de la formation de leurs pilotes s'est visiblement dégradée depuis la chute de l'Empire Soviétique, et que les machines qu'ils utilisent vieillissent.

On pourrait faire le parallèle avec nos amis canins : il n'y a pas plus agressif, extérieurement, qu'un chien apeuré.

  • L'armée de l'air russe et les espaces aériens : faites comme je dis, pas comme je fais

De son côté, la Russie a appuyé sur une prétendue violation de l'espace aérien du champ de bataille ukrainien.

Même sans prendre en compte le fait que l'espace aérien autour de la Crimée n'est pas reconnu comme Russe, mais comme étant Ukrainien, par la communauté internationale (et donc que les Russes n'ont aucun droit à limiter qui peut s'y déplacer), la situation est cocasse lorsqu'on jette un œil aux violations d'espace aérien de ses voisins par la Russie. 

Outre les incidents intervenus cette semaine, la Russie a violé l'espace aérien suédois avec des appareils armés au mois de mars 2022 (après le début de leur invasion de l'Ukraine), et leurs violations répétées de l'espace aérien Turc en 2015 avaient mené à la destruction d'un bombardier Sukoi-24 Russe par la chasse turque.

  • En conclusion

La destruction du MQ-9 apparaît comme étant accidentelle, et due a une erreur de pilotage côté russe.

Cependant, l'interview du pilote soviétique ayant intercepté le vol Korean Air 007 au-dessus de Sakhaline en 1983, dans une interview donnée au journal russe Izvestia en 1991, précise que ses choix lors de l'interception étaient de tirer au canon, au missile, ou de percuter l'avion de ligne. Cette dernière information tendrait à montrer que l'impact volontaire avec un appareil intercepté était une tactique parfaitement normale pour les pilotes soviétiques, et potentiellement toujours d'actualité avec les pilotes russes en 2023.

Dans tous les cas, si la Russie prétend que tout s'est passé comme prévu, et offre une de ses fameuses médailles en fer-blanc au pilote qui a percuté le MQ-9, les américains de leur côté on opté pour le mépris, la désescalade, et le maintien des vols de reconnaissance sur la mer noir.


Il est donc probable qu'à moins d'une nouvelle action d'agression Russe sur un appareil piloté, les choses en resteront là. Les forces de l'OTAN dans leur ensemble, et les américains en particulier, ne voient pas leur intérêt à répondre aux pitreries des russes.

Et gardent un œil (armé) sur les frontières de l'Europe.

Rafale français en cours de ravitaillement / Photo US CENTCOM