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samedi 18 mars 2023

MQ-9 vs Su-27 sur la mer noire

Suite à l'interception d'un MQ-9 "Reaper" américain au-dessus de la mer noire par l'aviation russe du 14 mars 2023, un petit papier "à chaud", ou presque.


  • L'incident

Le 14 mars 2023, lors d'un vol dans l'espace aérien international au-dessus de la mer noire, l'US Air Force déclare avoir perdu un drone MQ-9 "Reaper", présent sur zone pour surveiller le secteur dans le cadre de la protection des frontières de l'OTAN dans la région. L'US Air Force annonce également que le drone a été percuté par un chasseur russe Su-27 lors de manœuvres considérées dangereuses et non professionnelles.

Carte de la mer noire. Roumanie, Bulgarie et Turquie sont des membres de l'OTAN.

La Russie reconnaît qu'un drone américain est tombé dans la mer noire alors que des Sukois l'interceptaient, mais annonce, pour sa part, que les pilotes russes n'ont fait aucune manœuvre contre l'appareil, et qu'il est simplement tombé de lui-même.

Le lendemain, le DoD américain déclasse la vidéo de l'incident, enregistrée par le drone de surveillance, qui fait rapidement le tour du monde :

Faisons donc un tour de l'incident.

  • Le General Atomics MQ-9 "Reaper"

Drone MQ-9 Reaper de General Atomics. Le MQ-9 est destiné à la surveillance armée et à l'attaque au sol/appui-feu.
 

Le MQ-9 est fabriqué par la firme américaine General Atomics Aeronautical Systems, Inc., basée en Californie et issue du pétrolier Gulf Oil, dans les années 60. A l'origine créée pour gérer le développement de réacteurs nucléaires par Gulf, General Atomics crée une branche aviation et drones au début des années 90.

En 1995, General Atomics livre les premiers drones de surveillance RQ-1 (R pour Reconnaissance, Q pour sans pilote).

MQ-1 Pretador en configuration appui-feu

Le RQ-1 est rapidement modifié pour emporter des moyens d'attaque au sol (missiles guidés Hellfire...), et prend en 2002 la désignation officielle MQ-1 (M pour multirôles), et est surnommé "Predator" (prédateur).

Très rapidement, General Atomics travaille sur un "Predator-B". Cette nouvelle version remplace le moteur Rotax à pistons par un turbopropulseur, gagne en tonnage (et donc en voilure et en emport), et aboutit sur le MQ-9, surnommé "Reaper" (la faucheuse).

Le MQ-9 entre en service en 2007, et est utilisé par les Etats-Unis, mais également un grand nombre de forces aériennes de l'OTAN, dont l'Armée de l'Air et de l'Espace française.

Le MQ-9 est un drone de surveillance et d'appui-feu d'environ 2,5 tonnes, capable de rester 14h en vol à une vitesse de croisière de 300 km/h, et piloté depuis une base (souvent loin du front) via satellite.

Comme on peut le voir sur la vidéo de l'incident, le MQ-9 intercepté n'est pas armé, et donc purement en mission de surveillance.

  • Le Sukhoi Su-27

Sukhoi-27 Russe

 Le Sukhoi Su-27 est un chasseur monoplace multirôle, développé dans les années 70 et 80, et qui sert de principal cheval de bataille aux forces aériennes russes depuis la consolidation du bureau d'études et des capacité de productions de Mikoyan (anciennement MiG) et Yakovlev dans le consortium d'état PJSC United Aircraft Corporation en 2006, qui a mené à un phagocytage complet de l'aviation Russe par Sukhoï.

(NDR: Avec la consolidation des capacités d'étude et de production russes, leurs avionneurs sont devenus souvent de simples assembleurs.)

Sukhoi produit aujourd'hui plusieurs modèles de chasseurs basés sur le Sukhoi-27 (Su-30, Su-33 navalisé, Su-35 et Su-34).

Le Sukhoi 27 est entre autres connu pour la manœuvre du Cobra, impressionnante visuellement mais complètement inutile (et fatigante pour la cellule) dans un monde où la majorité des engagements s'effectuent à distance, avec des missiles guidés.

Manœuvre du "Cobra", destinée à esquiver un ennemi en combat rapproché (dogfight)

Le Sukhoi-27 est un appareil multirôle et un intercepteur décent, mais l'entrée de son dérivé Su-35 dans divers tests dans les années 90 et 2000 (en Corée et au Brésil, entre autres) ont montré les limites de la plateforme face aux appareils au standard OTAN.

Le Su-27 et ses dérivés restent la colonne vertébrale de l'armée de l'air Russe, en attendant l'arrivée (annoncée depuis les années 90) du Su-57 de nouvelle génération.

  • Interrogations sur les manœuvres russes

La vidéo plus haut montre qu'avant l'impact, les chasseurs russes (au nombre de deux, d'après les sources officielles) ont commencé par pulvériser du kérosène sur le drone, avant qu'un pilote fasse une fausse manœuvre et le percute, mettant fin à l'interception avec la perte de propulsion et le crash du drone. Pour plus d'informations sur les raisons de l'impact, je vous renvoie à une vidéo sur la chaîne du pilote de chasse ATE, ex-Marine nationale :


Au-delà de l'impact, à priori imprévu et non voulu, la question des actions russes se posent.

Qu'essayaient-ils de faire en projetant du kérosène sur le drone ? La manœuvre est très risquée, le kérosène largué venant du réservoir principal des appareils (qui volent sans réservoir supplémentaires dans la vidéo). Les pilotes prennent donc le risque de ne pas pouvoir rentrer à la base en faisant ces manœuvres.

L'effet du kérosène sur le drone est également un gros point d'interrogation : le kérosène pulvérisé par un vide-vite se disperse et s'évapore, ne laissant qu'un film léger sur certaines surfaces. Il est donc peu probable que le dégazage gène les capacités de surveillance du drone. On peut d'ailleurs constater sur les vidéos que même en filmant directement le passage des avions russes, la caméra (qui est située sous le nez du MQ-9) ne semble pas impactée par les épandages répétés (au nombre de 12, d'après l'US Air Force).

Il est également peu probable que le kérosène déversé en vide-vite puisse avoir un effet sur la motorisation du drone : le MQ-9 utilisant un turbopropulseur, la saturation en kérosène de l'air aspiré nécessiterai d'être extrêmement élevée pour pouvoir stopper la turbine, qui repartirait probablement d'elle-même après quelques secondes, une fois le surplus évacué. Même le moteur à pistons turbocompressé Rotax du MQ-1 n'aurait fait que tourner très riche quelques instants, avant de repartir normalement.

Vue en coupe d'un turbopropulseur. Le kérosène aspiré ne ferait que ressortir par l'échappement après avoir traversé le moteur.

 

La question du but de la manœuvre reste donc entière, considérant les risques pris par les pilotes russes.

  • La réponse américaine, et pourquoi elle est parfaitement logique

La réponse américaine a été rapide sur le sujet : les pilotes russes sont des amateurs, et ce genre d'incident montre qu'il n'ont pas un niveau approprié pour les missions d'interception.

Les analystes internationaux ont également rapidement fait remonter le fait que les Russes utilisent ce type de méthodes de coercition lors d'interceptions en mer ou dans les airs, en zone internationale, avec une régularité qui fait froid dans le dos. Et qu'une recrudescence des vols très basse altitude en Syrie a lieu depuis le début du mois de mars.

En tout temps, les pilotes soviétiques et russes ont étés très agressifs envers les appareils et navires de ceux qu'ils perçoivent comme leurs ennemis, c'est à dire les pays Européens et les États-Unis. Et ce même si la qualité de la formation de leurs pilotes s'est visiblement dégradée depuis la chute de l'Empire Soviétique, et que les machines qu'ils utilisent vieillissent.

On pourrait faire le parallèle avec nos amis canins : il n'y a pas plus agressif, extérieurement, qu'un chien apeuré.

  • L'armée de l'air russe et les espaces aériens : faites comme je dis, pas comme je fais

De son côté, la Russie a appuyé sur une prétendue violation de l'espace aérien du champ de bataille ukrainien.

Même sans prendre en compte le fait que l'espace aérien autour de la Crimée n'est pas reconnu comme Russe, mais comme étant Ukrainien, par la communauté internationale (et donc que les Russes n'ont aucun droit à limiter qui peut s'y déplacer), la situation est cocasse lorsqu'on jette un œil aux violations d'espace aérien de ses voisins par la Russie. 

Outre les incidents intervenus cette semaine, la Russie a violé l'espace aérien suédois avec des appareils armés au mois de mars 2022 (après le début de leur invasion de l'Ukraine), et leurs violations répétées de l'espace aérien Turc en 2015 avaient mené à la destruction d'un bombardier Sukoi-24 Russe par la chasse turque.

  • En conclusion

La destruction du MQ-9 apparaît comme étant accidentelle, et due a une erreur de pilotage côté russe.

Cependant, l'interview du pilote soviétique ayant intercepté le vol Korean Air 007 au-dessus de Sakhaline en 1983, dans une interview donnée au journal russe Izvestia en 1991, précise que ses choix lors de l'interception étaient de tirer au canon, au missile, ou de percuter l'avion de ligne. Cette dernière information tendrait à montrer que l'impact volontaire avec un appareil intercepté était une tactique parfaitement normale pour les pilotes soviétiques, et potentiellement toujours d'actualité avec les pilotes russes en 2023.

Dans tous les cas, si la Russie prétend que tout s'est passé comme prévu, et offre une de ses fameuses médailles en fer-blanc au pilote qui a percuté le MQ-9, les américains de leur côté on opté pour le mépris, la désescalade, et le maintien des vols de reconnaissance sur la mer noir.


Il est donc probable qu'à moins d'une nouvelle action d'agression Russe sur un appareil piloté, les choses en resteront là. Les forces de l'OTAN dans leur ensemble, et les américains en particulier, ne voient pas leur intérêt à répondre aux pitreries des russes.

Et gardent un œil (armé) sur les frontières de l'Europe.

Rafale français en cours de ravitaillement / Photo US CENTCOM


mardi 22 mai 2007

Armement - US Air Force GUU-5/P

USAF GUU-5/P Carbine (Colt)

GUU-5/P Carbine en configuration originale

La Carabine d'assaut GUU-5/P est un fusil d'assaut compact, comparable en gabarit et en fonctionnement à son cousin le M4, cependant ils ont quelques différences dues à une évolution parallele. En effet le GUU-5/P est un dérivé du M16 de 1964, alors que le M4A1 est un dérivé des systemes M16A1/M653 mis au standard M16A2.

En 1964 apparaît une arme d'assaut de petit calibre encore jamais vue : le M16 (modele 602). Doté d'un canon de 20 pouces de long, il est plus léger que le M14 alors en service. Il est de suite mis en service par l'US Air Force, les autres branches militaires lui préférant le M16A1 (modele 603), plus fiable. L'US Air force s'équipe plus tard en M16 (Modele 604) integrant la plupart des améliorations du M16A1 (modele 603), mis à part le Forward Assist Knob (bouton d'assistance aidant la fermeture de la chambre).

Colt Modele 604 (M16)

Pendant la guerre du vietnam, les troupes américaines se rendent compte qu'un fusil d'assaut compact est necessaire pour les forces spéciales. Prenant exemple sur l'Army et la Navy, l'Air Force équipe ses forces spéciales et ses personnels travaillant en milieu confiné d'un fusil d'assaut doté d'un canon de 10.3" et d'une crosse retractable : le GAU-5/A (M610), exterieurement presque identique au XM177E1 des SFG et SEALs. GAU corresponds à 'Gun, Automatic Unit' (arme, unité automatique).
Colt modele 610 (GAU-5/A)

L'apparition des lance grenade monté sous le canon du fusil pousse les forces spéciales à demander un rallongement du canon de leur fusil XM177 pour permettre le montage du XM148 de 40mm , ce qui donne le XM177E2, doté d'un canon de 11.5". L'air force suit le mouvement en adoptant le GAU-5/A/A (M649).
Colt modele 649 (GAU-5/A/A)

Au début des années 80, l'US Air Force jette un oeil sur les autres corps de l'armée américaine : ils utilisent depuis 1973 un fusil d'assaut compact (Carbine) dotée d'un canon de 14.5" : le M653. Impressionnés par le gain en performance par rapport au canon de 11.5" avec silencieux du XM177E2, et le M653 acceptant lui aussi le lance grenade M203, les responsables de l'armement lancent une campagne de remise à niveau : les GAU-5 passent dans les ateliers et en ressortent sous la forme GAU-5/A/B, équipés de canons de 14.5" de profil M16A1.

Membre des troupes de sécurité de l'Air Force armée d'un GAU-5/A/B (Colt Modele 649 modifié)

Au début des années 2000, L'Air Force recommence à lorgner chez ses voisins pour voir de quel materiel ils sont équipés. A cette époque l'US Army est équipée du M4A1, entré en service en 1994. Est donc lancé un nouveau programme de remise à niveau qui aura des résultats pour le moins étranges : un nouveau fusil d'assaut, au final un simple kit de rétrofit avec des pieces achetées chez Colt des GAU-5/A/B, apparait. Dans le cadre des nouvelles dénominations de l'Air Force, le fusil est dénommé GUU-5/P (Gun, Miscellaneous, Unit; le P désignant une arme individuelle) et non plus GAU (désormais Gun, Aircraft, Unit : armement embarqué pour avions et hélicoptères). Le terme GUU-5/P corresponds en fait à 3 armes différentes : le retrofit n'ayant pas été fait de la même façon partout (et englobant les premiers modeles M602 en plus des GAU-5/A/B). Ces armes sont les suivantes : une Carabine d'assaut dotée d'un corps complet de GAU-5 ou de Modele 602, d'une crosse retractable et d'un canon de 14.5" de profil M4; une Carabine d'assaut dotée d'un lower receiver et d'une crosse de GAU-5, d'un canon 14.5" profil M16A1 et d'un upper receiver flat top (poignée démontable avec rail Picatinny, comme le M4A1 Carbine); et une carabine d'assaut dotée d'un lower receiver et d'une crosse de GAU-5 avec un upper receiver et un canon de M4A1.

Soldat de l'Air Force armé d'un GUU-5/P (Colt modele 602 rétrofité, équipé d'une crosse rétractable et d'un canon de profil M4)

Le GUU-5/P est actuellement utilisé par la plupart des troupes de l'US Air Force dans sa/ses version(s) standard, et dans sa version kittée SOPMOD par les troupes de l'AFSOC (Air Force Special Operation Command, composante SOCOM de l'US Air Force)

GUU-5/P kitté SOPMOD (modele 649 rétrofité, équipé d'un upper receiver flat top et d'un canon de profil M4)
GUU-5/P kitté SOPMOD (garde mail rail RAS, poignée verticale et optique ACOG)
Détail du corps de GUU-5/P : en haut, l'upper receiver de type M4A1 "flat top" doté du déflecteur d'étui, du forward assist knob et du rail Picatinny Mil-Std-1913, absents sur les séries GAU-5; en bas, le lower receiver du GAU-5 d'origine (M649), dépourvu du renfort autour de la base du tube de crosse dont est doté le M4A1.
Combat Weathermen de l'US AFSOC en entrainement, armés de GUU-5/P