mercredi 3 mai 2023

Guerre en Ukraine - Attaque au drone sur le Kremlin : Quid ? Quo vadis ?

Disclaimer : Durant la journée du 3 mai, l'Ukraine, à travers son Président Volodomyr Zelensky, a nié avoir frappé la capitale russe, insistant sur le fait que l'Ukraine ne cherche pas à éliminer le président russe, juste à libérer son territoire.


Pendant la nuit, plusieurs détonations ont été entendues dans Moscou.

Détonations dues à l'interception de plusieurs drones directement au-dessus du Kremlin, d'après les services de sécurité Russes.


Cette frappe et l'affirmation par les services russes que le drone intercepté était ukrainien soulève plusieurs questions.

La première est celle de la perméabilité de l'espace aérien russe. Certes, le drones (ou les) a été intercepté. Mais l'interception s'est effectuée au-dessus d Kremlin, le palais de la présidence, dans le centre de Moscou. Or, la défense du centre de Moscou a été renforcée en Janvier, avec l'installation de batteries anti-aériennes Pantsir S-1 (SA-22) sur camion Kamaz sur les toits moscovites. A l'époque, beaucoup avaient remarqué que les zones de couverture des différents postes AA se recoupaient au-dessus du Kremlin. Le Pantsir ayant une portée efficace de 20km (pour les missiles), le drone en question aurait dû, en théorie, être intercepté bien avant son arrivée au-dessus du Kremlin.

Une batterie de S-400 (que la Russie continue à vendre comme le meilleur système de défense anti aérienne du monde) est également présente au nord de Moscou. Une interception des drones au-dessus du Kremlin signifie que soit les drones ont réussi à être invisibles aux radars russes jusqu'à se trouver en phase finale d'approche, soit le positionnement des défenses russes les rends complètement inopérantes.

En effet, si le positionnement des batteries sur des toits moscovites leur permet d'étendre la portée des radars en évitant de créer des approches dans les zones d'ombre derrière les immeubles les plus élevés, la capacité de tir en dévers des postes anti-aériens, surtout pour des systèmes mobiles sensés se trouver à altitude zéro comme le Pantsir sur Kamaz, est limité, et peut créer des zones d'ombre dans leur couverture, à partir du moment où la cible se déplace à une altitude moins élevée que celle du lanceur.

Pantsir S-1 placé sur le toit du ministère de la défense russe à Moscou

Un autre point concernant la perméabilité du système de défense Russe : le point de départ du drone, et sa capacité à approcher Moscou sans être inquiété : le Kremlin n'a pas parlé d'autres cibles interceptées avant leur arrivée dans le ciel moscovite.

Distance entre le Kremlin et le point le plus proche du sol Ukrainien

A vol d'oiseau, la frontière Ukrainienne est, au mieux, à 550km du Kremlin. La vidéo ci-dessus montre bien que le drone intercepté ne vole pas à une vitesse élevée, ce qui signifie au minimum une heure de vol s'il a été lancé depuis l'Ukraine, en traversant une frontière qui devrait, en théorie, être densément couverte par les radars russes, pour éviter de nouvelles incursions et frappes ukrainiennes.

Une autre possibilité serait le contournement des radars russes en passant par la Biélorussie, mais cela ne laisserai que plus de temps aux russes ou à leurs alliés locaux pour repérer le drone en vol.

La dernière possibilité, qui a déjà été soulevée lors des frappes sur les bases de bombardiers stratégiques russes, serait l'utilisation par les ukrainiens de transpondeurs russes dans leurs drones, ce qui les ferait apparaître aux postes de défense russes comme étant des appareils de l'armée de l'air ou de la marine russe. Cette dernière hypothèse parait cependant un peu tirée par les cheveux, car elle signifierait que les défenses russes auraient laissé un appareil, quel qu'il soit, survoler Moscou en direction du Kremlin. On ose espérer pour les russes que personne ne laisserait ce genre de pénétration de la zone aérienne moscovite s'effectuer sans le moindre contrôle.

La possibilité d'un lancement depuis la frontière lettone ou plus au nord depuis la Finlande n'a aucun sens, car elle entraînerait les forces de l'OTAN dans un conflit que l'alliance continue à garder à distance.

Une dernière possibilité est un lancement depuis l'intérieur de la Russie, qui expliquerait en grande partie l'incapacité des forces russes à intercepter le drone avant son approche finale. Mais cette option n'est pas à l'avantage de la Russie, car elle signifierai que les forces Ukrainiennes sont capables d'aller et venir sur son territoire et lancer des drones armés sans être inquiétées.


On pourrait également facilement pointer du doigt une affaire entièrement Russe, avec une frappe organisée par les services de renseignement pour justifier (une nouvelle fois) l'intervention en Ukraine, ou une attaque perpétrée par une faction interne à la Russie, soit dans un but de déstabilisation du pouvoir, soit dans le cadre des luttes intestines à l'intérieur même du pouvoir russe.


La communication du pouvoir

Dans tous les cas, cette frappe pose beaucoup de questions, à 6 jours seulement du défilé du 9 mai.

Si la frappe est belle et bien Ukrainienne, cela va placer les services de sécurité sous tension pour le 9 : les ukrainiens ont montré que, théoriquement, ils peuvent frapper la Place Rouge. Même en cas d'interception, l'explosion de drones au-dessus d'un défilé à destination de propagande, diffusé en direct sur les chaînes étatiques, montrerait aux russes que la guerre lancée par leur Tsar s'invite jusque dans leurs foyers. Et rien ne serait pire qu'une poignée de véhicules en feu au milieu de Moscou, en direct à la télévision.

Si la frappe n'est pas Ukrainienne, la volonté de la montrer comme telle est étrange : elle montre une faiblesse et la vulnérabilité du centre névralgique de l'hyper-centralisée Russie de Vladimir Poutine. C'est donc une très mauvaise image à donner à l'extérieur.

Cependant, c'est là que nous autres, occidentaux, nous trompons souvent sur la cible de l'étrange propagande Russe : elle ne nous est pas destinée, elle est destinée à la population locale. Ce que nous voyons comme un énorme aveu de faiblesse dans un état qui se prétend "fort", est probablement conçu comme un message aux russes eux-mêmes : "regardez ces étrangers qui, sans raison (sic), essayent d'assassiner notre Lider Maximo bien aimé". Le commentaire officiel russe est d'ailleurs clair sur ce point : pour eux, la cible était Vladimir Poutine, et rien d'autre. Sous-entendu, une attaque contre Vladimir Vladimirovich est une attaque contre nous tous, car la Russie, c'est Lui.


Reste à voir les informations qui feront surface dans les jours à venir, et si l'organisation du 9 mai se déroule comme à l'habitude. Vladimir Poutine sera-t-il sur place ? Déjà à priori paranoïaque, présidant à certaines de ses fonctions par vidéoconférence, roi des tables géantes, celui qui est devenu calife à la place du calife il y a maintenant 23 osera-t-il se présenter devant les caméras alors que les drones ukrainiens se posent dans Moscou ?


Rendez-vous dans 6 jours.

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