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mardi 30 juillet 2024

Chapitre 5 - Définition de l'adversaire

Chapitre 5
Définition de l'adversaire

 

Dans ce chapitre court (3 pages), Trinquier nous parle de définir l'ennemi spécifiquement, pour savoir comment le combattre.

Il commence avec les ennemis "historiques", de l'autre côté du Rhin ou de la Manche : des ennemis qui déclaraient ouvertement la guerre, puis entraient sur le territoire français avec une armée et des buts de guerre clairs.

Des ennemis qui ne pouvaient pas être convaincus de baisser les armes sans avoir étés battus "à la régulière", sur le terrain, par une autre armée.

 

Dans la guerre moderne, nous explique l'auteur, rien de tout ça : la guerre n'est pas déclarée ouvertement, et l'ennemi ne lance pas des divisions blindées à l'assaut du territoire de la patrie. Au contraire, l'Ennemi aura pour but de garder le plus longtemps possible une situation de paix, et d'agir plus insidieusement, via des partis politiques et des actions en sous-main.

Cette situation de fausse paix sera activement argumentée et maintenue par l'ennemi pendant qu'il s'organise et se prépare, et ne sera rompue qu'au moment où il sera capable de frapper vite et fort, en lançant une campagne terroriste organisée, combinée à une action de propagande forte.

Trinquier conclut le chapitre en expliquant que, la France n'étant pas un état totalitaire, il nous est impossible de simplement supprimer toute personne faisant connivence avec l'ennemi, que nous avons de toute façon souvent du mal à définir ouvertement, même lorsqu'il vient de l'étranger et nous présente à sa propre population comme étant un ennemi mortel.

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Le principe de définition de l'Ennemi est important également dans le domaine qui nous intéresse, celui de la politique intérieur et de l'action sociale.

D'une part, pour savoir contre qui se battre, mais aussi pour éviter d'être accusés par la propagande ennemie d'avoir une définition à géométrie variable.

Une définition mauvaise ou floue de l'Ennemi serait facile à utiliser pour nous présenter comme voulant tourner les français les uns contre les autres, et de vouloir la modifier constamment dans le but de cibler tous les opposants au pouvoir en place.



Il est donc important de prendre le temps d'identifier les contours de l'ennemi : ses partis politiques, ses groupuscules, ses actions contre la République.

Définir où est la frontière idéologique de la Nation Française, pour mieux quantifier qui l'attaque.
Identifier ses chefs, ses outils de propagande, ses moyens, pour pouvoir mieux les frapper ensuite.

Identifier les législations liberticides, qui pourraient servi à l'ennemi là où il prend pied dans le système politique et sécuritaire, pour les faire supprimer des codes.

Bien entendu, tout cela devra être fait dans le cadre d'un État de Droit, en situation de paix, qui répugne à sanctionner les groupes politiques eux-mêmes, même lorsqu'ils sont téléguidés par l'étranger, ou sont ouvertement une menace pour les principes démocratiques.



Une fois le travail de définition fait, les actions offensives peuvent être mises en place.

mardi 23 juillet 2024

Chapitre 4 - Le terrorisme, arme capitale de la guerre moderne

Chapitre 4

Le terrorisme, arme capitale de la guerre moderne


Nous passerons sur le chapitre 3, qui explique l'organisation de guerre du FLN en 1957, pour nous concentrer sur le chapitre 4 : le concept du terrorisme comme arme de guerre.

Trinquier considère le terrorisme comme étant une arme de guerre, utilisée pour séparer la population des autorités, par plusieurs moyens :


  • Le premier, donner un sentiment d'isolation à la population. Seul contre la violence, le citoyen se sent sans défense face à des attaques qui terrorisent son quotidien, et frappent de nulle part, à n'importe quel moment. Les cibles ne sont pas des symboles de la République, comme dans une guerre classique, mais la vie quotidienne des civils : magasins, restaurants, les rues où ils se promènent avec leurs enfants. La psychose déclenchée pousse les gens à rester terrés chez eux.
  • Le second, amener la rancœur envers l’État. La population, frappée chez elle dans son quotidien, a le sentiment lors d'une vague de terrorisme dont les forces de l'ordre et l’État sont incapables de la protéger. Des la combinaison avec des attaques contre les forces de l'ordre ou les services de la République enfonceront encore plus le clou : être proche de la République, c'est être une victime collatérale.
  • Le troisième est le rapprochement de force avec les insurgés : la seule manière de faire stopper la violence est de se mettre du côté des violents, c'est à dire des insurgés, voire même de rejoindre leur groupe. La propagande des insurgés présentera les choses de la sorte : les rejoindre, les soutenir, c'est l'assurance de la fin de la violence qu'ils déclenchent. Une propagande d'autant plus facile à utiliser lorsque les forces de l'ordre ou armées répondent au terrorisme par leur propre campagne de terreur aveugle.


Trinquier nous explique que le but du terrorisme n'est pas de frapper les forces armées, la police, ni même de tuer dans un but de dépouillement et de vol comme le feraient des bandits de grand chemin :
le terrorisme frappe le "ventre mou" du pays. Des cibles faciles à attaquer, qui n'ont aucun moyen de défense, sont toujours accessibles. Des gens normalement protégés par les lois de la guerre et par l'état.


De cette façon, le terroriste prend peu de risques lorsqu'il prépare son opération, car la cible est choisie spécialement pour sa vulnérabilité : terrasses de cafés, marchés à ciel ouvert, fêtes en extérieur, etc.

(NDR : selon la définition de Trinquier, les frappes russes en Ukraine sur des hôtels, hôpitaux et marchés, par définition non défendus, peuvent être qualifiées comme des actes de terrorisme)

Il continue en expliquant que, dans les zones peu couvertes par les forces de l'ordre et les services de la République, le terrorisme peut (et va) servir à supprimer l'emprise de l'état, en frappant en priorité les notables, les agents de l'état, les fonctionnaires territoriaux. Une fois l'emprise Républicaine supprimée, la population sera ralliée de gré ou de force. La population ralliée, les insurgés peuvent désormais se déplacer comme le poisson dans l'eau, et étendre leurs opérations aux secteurs voisins, en utilisant la même méthode.
Une surveillance des locaux sera mise en place, et les gens donnant des signes de non-ralliement punies durement, pour l'exemple.

Le terroriste est donc, pour Trinquier, à considérer non pas comme un criminel, mais comme un soldat. Cependant, il souligne que le terroriste, contrairement à un soldat ordinaire, refuse le risque, en frappant principalement des cibles sans défense. Il devra donc être traité comme un franc-tireur ou un aviateur abattu : interrogé pour connaître ses cibles, sa place dans l'organisation, ses contacts, pour pouvoir remonter le fil de son organisation le plus rapidement possible. Puis le terroriste, simple exécutant (NDR : en Irak et Afghanistan, les gens détonnant des véhicules piégés ou des vestes explosives étaient souvent de pauvres hères, qui faisaient ce 'travail' en échange d'une compensation financière pour leur famille) sera écroué jusqu'à jugement.

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Fait-on, dans la France des années 2020, l'objet d'une campagne terroriste de la part du RN, de ses troupes, d'organisations adhérant à ses idéaux ?

Réfléchissons à la définition de Trinquier :
-Frapper des gens sans défense chez eux ;
-Donner un sentiment d'isolation aux citoyens ;
-Créer une rancœur envers le pouvoir, son rejet, souligner son incapacité à protéger contre une menace, réelle ou imaginée ;
-Supprimer les notables ("élites"), les agents de l'état, les fonctionnaires ;
-Acquérir la population aux idées des insurgés par la force et par la peur ;
-Menacer d'exclusion, accuser de traitrise ceux qui refusent de plier ;
-Assurer que lorsqu'ils auront le pouvoir, l'ordre sera rétabli.

Si je prend la liste de façon franche et objective, tous ces éléments se retrouvent dans l'empire médiatique monté par Vincent Bolloré (Cnews, C8, JDD...) et d'autres médias 'mainstream'.
Certes, la violence et l'agression ne sont que verbales. Ne sont 'que' des mots.

Un TERRORISME INTELLECTUEL.

Présent partout, qui matraque les citoyens avec toujours des informations plus noires les unes que les autres, en présentant à longueur de page et de journée des faits divers sordides, appuyant sur le fait qu'ils pourraient arriver à n'importe qui, n'importe quand, car dans leur France de 2024, chaque coin de rue cache un "autre" (migrant, basané, noir, islamiste, gauchiste...), le couteau entre les dents, tuant les citoyens pour le plaisir.

Chez eux, les forces de l'ordre font leur travail, mais ce travail est sapé par un ennemi intérieur, l’État de Droit. 

Des juges qui remettraient en liberté les assassins par tombereau. Des associations 'wokes'* prêtes à tout pour faire relâcher des violeurs et des terroristes en puissance.

Les discours contre les supposées "élites", les diatribes de gens sortant de Science-Po ou de l'ENA contre tous les gens qui sont des intellectuels avec des idées différentes des leurs.

Argumentaire violent contre la fonction publique, faisant de la suppression de postes publiques, jugés "inutiles" une des priorités d'un futur nouveau gouvernement.

Répéter inlassablement les mêmes théories et histoires aux citoyens, en espérant les radicaliser contre les idées de Liberté, d’Égalité et de Fraternité présentes sur les frontons des écoles et des mairies à travers la pays.

Utiliser le concept de la trahison à toutes les sauces : lorsque des formations ont un débat démocratique, lors des alliances entre groupes politiques, dès que quelqu'un les accuse de chercher la dissension.


Et le Rassemblement National nous annonce, à chaque élection, que le porter au contrôle de la France rétablirai immédiatement l'Ordre (avec un grand O). Il suffit d'adhérer, il suffit de rejeter les préceptes de la République, et la violence qu'ils apportent quotidiennement dans la vie des français s'arrêtera.

A cela, on peut ajouter une réelle dynamique de terrorisme physique venue de mouvement d'extrême-droite en France : les 'ratonnades', les contre-manifestations violentes par des individus masqués dans certaines grandes villes, les projets d'attentats contre les services ou représentants de l'état par des groupes complotistes...

La France est victime, depuis des années, d'une campagne méthodique de terrorisme intellectuel, visant à avancer les pions de l'extrême-droite partout sur le territoire.
Au premier tour des élections législatives de 2024, nous avons vu le résultat : de gré ou de force, par la menace et la propagande, la carte de France s'est couverte de vert-de-gris.


Résultats du 1er tour des législatives 2024, en bleu foncé les circonscriptions avec RN, alliés et extrême-droite en tête des résultats. Pas très chouette.




*Woke : De l'anglais 'éveillé'. Terme lancé par les afro-américains pour parler d'égalité, d'altruisme et de compréhension entre les cultures et les gens. Utilisé par l'extrême-droite américaine et européenne comme raccourci pour définir tout ce qui n'est pas réactionnaire, et donc inadmissible pour eux.

"Woke", selon l'extrême-droite.

 

lundi 15 juillet 2024

Chapitre 2 - La Guerre Moderne : définition

Chapitre 2

La Guerre Moderne : définition


Dans ce chapitre, Trinquier nous parle de l'apparition de la guerre insurrectionnelle comme étant une nouvelle forme de guerre (dans la période 1945-61). Pas pour une dimension d'existence des insurrections armées, faits communs (entre autres dans les empires coloniaux, ou durant la seconde guerre mondiale avec les actions de partisans et franc-tireurs), mais comme articulation principale d'une guerre de moyenne ou grande envergure.

Indochine, Algérie, Malaisie, Palestine : la guerre n'est plus, d'après lui, un affrontement de deux armées conventionnelles à peu près équivalentes en capacités (mais pas forcément en moyens) et utilisant des combinaisons interarmes (sol, terre et mer).
La guerre devient non plus une question purement militaire, mais une question de combinaison de la force, de la psychologie et de la politique, pour renverser un régime et le remplacer par un autre.

Trinquier parle également de l'interdépendance entre nations - devenue entretemps mondialisation - menant à une circulation accrue des informations, et à la possibilité d'un conflit isolé à trouver un retentissement mondial, comme nous pouvons le voir actuellement avec, par exemple, Gaza et le conflit en Ukraine.

Chaque conflit secondaire peut donc (dans une dimension de guerre froide de l'époque) être représenté ou repris comme s'intégrant dans une multipolarité Est/Ouest, selon les besoins des personnes engagées.
On se souviendra par exemple de l'Indochine, où à partir de 1949 Ho Chi Minh saura attirer l'aide de la Chine et de l'URSS, qui déclenchera en réponse un soutien de la France par des Etats-Unis qui refusaient jusqu'alors de soutenir l'armée française, même indirectement.

Il critique ensuite les penseurs et stratèges militaires, qui se limitent à l'aspect militaire de la guerre, ignorant (volontairement ou par manque d'ouverture d'esprit) ses dimensions non-militaires. Pour lui, une armée ne peut gagner la Guerre Moderne qu'en s'engageant dans toutes ses dimensions : militaire, civile, politique, sociale, psychologique...
Il parle ensuite du manque d'étude de la guérilla après-guerre, et des moyens de la contrer. Les militaires se limitant souvent à noter les méthodes utilisées par les Allemands contre les maquis qui n'avaient eu aucune efficacité pour les stopper. Si tout le monde s'accordait à dire que les actions des partisans et franc-tireurs avaient gêné les allemands et aidé l'effort conventionnel des armées alliées, personne ne s'est occupé de savoir comment s'en prémunir, dans le cas où ces méthodes seraient utilisées contre nous.
La méthode principale étant l'utilisation (volontaire ou forcée) de la population. Trinquier cite même Mao : 

"Or, nous savons que le moyen essentiel pour vaincre dans la guerre moderne 
est de s'assurer l'appui inconditionnel des populations ; 
il est aussi indispensable aux combattants que l'eau au poisson" (p.6).


La guerre moderne, conclut-il, est celle d'une armée contre une organisation clandestine armée, dont le rôle principal est non pas de défaire une armée sur le champ de bataille, mais imposer sa volonté à la population (p.7).


Est-on dans une situation où un groupe conventionnel pense pouvoir battre une insurrection moderne avec des moyens dépassés ? Absolument.
Les partis Républicains, suite au changement de paradigme social et psychologique apparu avec les chaînes d'information 24/7 (1994 en France avec LCI) et les réseaux sociaux (surtout après l'arrivée de Facebook et Twitter à partir de 2006-07), ont pensé pouvoir continuer à communiquer sur leurs idées comme ils le faisaient précédemment.
Depuis des décennies, la politique de proximité se réduisait, et la communication n'était importante qu'en période de campagne, une fois tous les 5 à 7 ans selon le poste.

L'insurrection, cependant, a rapidement compris les possibilités qu'offrait la nouvelle communication : réagir à des faits divers qui tournent en boucle sur LCI ou BFMTV, être présent sur tous les réseaux sociaux sans distinction, de Twitter à TikTok, et surtout être toujours en train de dire quelque chose, vrai ou faux, pour exploiter les tensions internes du pays de façon constante, et élargir les oppositions entre les groupes internes.
Occuper le devant de la scène, et paraître à l'écoute face à des politiciens "à la papa", qui ne se présentent aux électeurs que pour les grandes batailles des élections, et sont le reste du temps à travailler, mais absents de la scène sociale et médiatique.
De même, l'interconnexion permet de faire circuler les informations (vraies ou fausses) à la vitesse de l'éclair, et polariser le moindre incident mineur (agression, violence policière, etc).

Une fois le problème de la montée de l'insurrection menée par le Rassemblement National détectée, les réponses ont également suivi le schéma rapporté par Trinquier :
- Aucune étude sérieuse de la menace, et des méthodes pour y remédier par les partis ;
- Abandon de terrain, en laissant les zones faiblement peuplées à la merci de l'insurrection, en se repliant sur les grandes métropoles, concentrant la communication et les programmes politiques sur les personnes y résidant ;
- Utilisation d'une "contre-guérilla", essayant de contrer pied-à-pied l'insurrection, et laissant donc toujours à l'ennemi l'initiative du terrain de l'affrontement ;
- Combattre avec les armes de l'ennemi, c'est-à-dire reprendre les théories et argumentaires des insurgés en espérant attirer à soi les électeurs "passés" au RN.

Toutes ces méthodes, comme le dit Trinquier, tentent de "résoudre rapidement le problème, sans même l'avoir posé".

En refusant d'étudier les raisons structurelles et psychologiques de la montée du RN. Les raisons structurelles et psychologique d'un désamour pour la chose démocratique, résumée par des taux d'abstention élevés et une représentativité des élus faible, menant à plus de corporatisme et à un cycle faisant toujours plus chuter l'adhésion démocratique et Républicaine.

LE POLITICIEN RÉPUBLICAIN DOIT ÊTRE DANS LA POPULATION 
COMME LE POISSON DANS L'EAU !


Lors des élections législatives de l'été 2024, le Rassemblement National (et ses alliés officiels et officieux, menés par Eric Ciotti et Eric Zemmour) a reçu un peu plus de 10 millions de votes (à un demi-million de voix de différences entre les deux tours, donc relativement stable).

Dix millions de votes, soit un peu plus d'un cinquième des inscrits (49 332 709).
Dix millions de votes, soit 15,4% des citoyens français (68 373 433).

L'insurrection n'est pas majoritaire en France.
Mais elle arrive à manipuler les citoyens et l'opinion, pour lui faire croire en sa majorité totale.
Elle est une organisation spéciale, de petite taille, mais prête à tout pour apparaître comme ayant le soutien de la population. De gré, ou de force. Par la propagande, ou par le terrorisme intellectuel.

Il ne tient qu'aux Républicains de tout bord (associations, politiques, société civile) de reprendre la main, et réduire l'insurrection, en utilisant des méthodes sur lesquelles nous nous étendront par la suite.

mercredi 10 juillet 2024

Première partie : la préparation à la guerre / Chapitre 1 - Une nécessité, adapter notre appareil militaire à la guerre moderne

Première partie : la préparation à la guerre

Chapitre 1

Une nécessité
Adapter notre appareil militaire à la guerre moderne


 

Vétéran du conflit sino-japonais, de la seconde guerre mondiale, d'Indochine et d'Algérie, Trinquier commence son ouvrage par un constat simple : les forces armées de la France d'après 1945 s’organisent et s'axent autour d'un combat purement conventionnel, destiné à affronter un ennemi near-peer dans un conflit symétrique.
Alors que les "guerres modernes" de l'armée françaises se font sous le signe de l'asymétrie, contre un adversaire qui se fond dans les populations et refuse systématiquement la bataille rangée, où sa capacité de combat inférieure serait rapidement éliminée.

"Nous dispersons en effet des bandes armées plus que nous les détruisons" (p.4)

D'après Trinquier, cette incapacité à s'adapter à un ennemi qui n'accepte pas le combat symétrique crée plusieurs problèmes majeurs :
- Un sentiment d'ennemi invincible, qui s'accrédite auprès de la population par l'incapacité d'une armée moderne à le battre. Sentiment retrouvé en Afghanistan.
- Développement d'idées fausses sur les actions de la France, comme au Sahel, où l'armée française a même été accusée d'aider les djihadistes qu'elle combattaient, les locaux étant incapables d'imaginer que l'armée française de 2020, avec tous ces moyens, ne puisse pas neutraliser des bandes armées uniquement équipées de fusils et de 4x4 Toyota.
D'après Trinquier, ces fausses idées sont faciles à diperser par propagande dans les populations civiles, les menant à une neutralité de fait qui les poussera à ne pas soutenir la République, et laisser faire les insurgés.


Les parallèles avec la situation actuelle en France sont faciles à trouver.
D'un côté, une République utilisant des moyens de communication surannés, à l'époque de la "post-vérité" et des faits alternatifs, diffusés en masse par des acteurs n'hésitant pas à exploiter le fonctionnement des réseaux sociaux et leurs algorithmes, et sur des agent du chaos* étrangers.
De l'autre, des groupes prêts à faire circuler tous les mensonges (distorsions de chiffres officiels, mensonges par omission, fausses nouvelles) et matraquer la population de faits divers sordides à longueur de journée pour faire monter leurs chiffres.

Ces méthodes antédiluviennes (datant d'avant le déluge des réseaux sociaux), combinées à une pensée politique complètement dépassée, qui se base sur des classes sociales qui n'existent plus dans leurs anciennes formes, et sur une séparation imaginée entre des zones géographiques et des classes d'âges données (jeunes contre retraités, ruraux, métropoles contre la "France périphérique"...) essayent de mener l'extrême-droite dans une bataille rangée qu'elle esquive, refusant même de débattre avec leurs opposants dans les circonscriptions (France Bleu, législatives 2024).


La capacité du RN à esquiver le combat de ligne tout en attaquant tous les jours via réseaux sociaux et médias 'traditionnels' donne deux images fausses :
- L'arrivée de Marine Le Pen au pouvoir est inéluctable, et donc le plus tôt serait le mieux, "pour s'en débarrasser". Arguant que l'extrême-droite, une fois au pouvoir, pourrait en être retirée facilement aux élections suivantes (le type de théories également développées par la droite Allemande de Von papen dans les années 30, avec le résultat que l'on sait) ;
- La République (et/ou le parti à sa tête) manipulerait les élections pour empêcher le RN de remporter une victoire qui lui est due, partant du principe que le candidat avec le plus gros score au premier tour est forcément victorieux au second dans une élection à deux tours.

"Nous ne devons donc plus nous laisser leurrer, et abandonner la lutte avant la victoire finale, car nous manquerions gravement à notre devoir. Nus livrerions des populations dans défense à des ennemis sans scrupules qui pourront les asservir à leur gré" (p.4)


Qu'on ne l'oublie pas : malgré la 'dédiabolisation', le Rassemblement National (et son allié de fait Reconquête, s'ils survivent après avoir étés saignés par Marion Maréchal) reste un parti anti-républicain, factieux, raciste, et une menace pour la France qui se targue d'assurer Liberté, Égalité et Fraternité à ses citoyens.
Face à leur insurrection, il est temps que les Républicains de tout bord mènent contre eux la Guerre Moderne, qui va plus loin d'un "barrage républicain", chancelant et lézardé de failles visibles de tous.



*Seront compté comme "agent du chaos" tous les acteurs qui appuient la circulation de fausses informations, non pas pour appuyer un parti spécifique, mais simplement pour créer le conflit et le doute chez les citoyens. L'Iran et la Corée du Nord sont coutumiers du fait. Si la Russie peut être considérée comme partie prenante dans les campagnes organisées par les partis d'extrême-droite en Europe, fournissant des moyens financiers et parfois techniques, ils ont également tendance à simplement agir en agents du chaos, pour brouiller les cartes lors de scrutins mineurs ou majeurs.

lundi 8 juillet 2024

Le théories de lutte contre les insurrections de Trinquier peuvent-elles nous apprendre comment redresser la France de 2024 ? Introduction.

La théorie militaire est-elle soluble dans la politique française du XXIe siècle ?

Nous y voilà donc. 

Lundi 8 juillet 2024. 

Au lendemain d'une élection législative anticipée, à mi-mandat, organisée en urgence, sans - semblerait-il - la moindre préparation ou réflexion en amont. Une dissolution non préparée, à la lumière d'un scrutin porté par une faible participation (les européennes de juin 2024). 

Au lendemain d'un score forcément historique pour l'extrême-droite. L'extrême-droite de Jean-Marie Le Pen (n'en déplaise aux dédiaboliseurs de tous bords), qui avait touché du doigt la Présidence en 2002, et n'a fait que ronger son frein - et mieux organiser sa progression - depuis. 

Résultats du second tour des législatives 2024, en bleu foncé les circonscriptions désormais représentées à l'assemblée nationale par le Rassemblement National.


Avec une montée du nombre de sièges contrôlés par le Rassemblement National, un parti foncièrement anti-républicain. 

Une situation que l'on pourrait comparer à celle de 1871, où les partis républicains, de gauche et de droite, sont face à de puissants groupes monarchistes, qui n'aspirent qu'à ramener les Bourbons à la tête du pays une fois de plus. 

La prise de puissance d'un parti anti-républicain, au XXIe siècle en France, est une forme d'insurrection. Pas une insurrection physique, avec des attaques de bases militaires, mais une insurrection intellectuelle. Une attaque quotidienne, un terrorisme visant à détruire les piliers de la République, et à mettre en place un système différent, qui n'aspirerait ni à la liberté de ses citoyens, l'égalité entre ces derniers, et la fraternité entre les peuples. 

Face à cette insurrection au long cours (débutée dès la fin de la guerre d'Algérie en 1962, mais centralisée avec la création du FN en 1972), les partis Républicains, de gauche comme de droite, se sont repliés derrière leurs fortifications, ont abandonné du terrain aux insurgés, parfois monté des alliances avec ces derniers pour s'assurer des postes dans l' "après" ou se maintenir, ou ont simplement abandonné le combat. 

 

Ces vingt dernières années, partageant ma vie entre les grandes métropoles et la France "périphérique", j'ai vu le fossé se creuser, et les idées exprimées par le Colonel Roger Trinquier me revenir, telle une litanie, après chaque élection, que ce soit en lisant les programmes ou en regardant les résultats, et l'avancée du vert-de-brun peint en bleu "Marine". 

Roger Trinquier, officier dans l'armée Coloniale à partir de 1928, para-colo de 1946 à 1960, utilisera son expérience en Indochine, en Algérie et en Afrique pour poser les bases d'une solide théorie de la contre-insurrection. Ses théories dans le domaine sont regroupées dans l'ouvrage La Guerre Moderne, paru en 1961.

C'est ce livre que je propose de vous lire, résumer, et étudier la façon dont les théories présentées peuvent être mise en relation avec la situation politique en France en 2024, et les pistes de réflexion concernant la réduction et, qui sait, l'élimination de l'insurrection anti-Républicaine. 

La découpe sera faite de la façon suivante : un article pour chaque chapitre - sauf dans les cas où les choses seraient trop denses pour s'y limiter - pour tenter de garder, au maximum, la structure d'origine dessinée par Trinquier. 

Cette structure est comme suit : 


Je ne me targue évidemment pas de tout savoir sur quelque sujet que ce soit, et veut simplement partager avec vous une idée, celle que la stratégie militaire n'est pas intéressante que pour les soldats, et que le maintien de la paix sociale Républicaine utilise les mêmes ressorts (mais pas les mêmes méthodes) que la maintien de la paix militaire. 

Dans ce cadre, je suis ouvert aux critiques, du moment qu'elles sont constructives

L'édition de La Guerre Moderne utilisée dans le cadre de cette série d'articles est parue chez Economica en 2008, dans la collection Stratégies & Doctrines, préfacée par François Géré.

 

Colonel Roger Trinquier en Algérie