mardi 30 juillet 2024

Chapitre 5 - Définition de l'adversaire

Chapitre 5
Définition de l'adversaire

 

Dans ce chapitre court (3 pages), Trinquier nous parle de définir l'ennemi spécifiquement, pour savoir comment le combattre.

Il commence avec les ennemis "historiques", de l'autre côté du Rhin ou de la Manche : des ennemis qui déclaraient ouvertement la guerre, puis entraient sur le territoire français avec une armée et des buts de guerre clairs.

Des ennemis qui ne pouvaient pas être convaincus de baisser les armes sans avoir étés battus "à la régulière", sur le terrain, par une autre armée.

 

Dans la guerre moderne, nous explique l'auteur, rien de tout ça : la guerre n'est pas déclarée ouvertement, et l'ennemi ne lance pas des divisions blindées à l'assaut du territoire de la patrie. Au contraire, l'Ennemi aura pour but de garder le plus longtemps possible une situation de paix, et d'agir plus insidieusement, via des partis politiques et des actions en sous-main.

Cette situation de fausse paix sera activement argumentée et maintenue par l'ennemi pendant qu'il s'organise et se prépare, et ne sera rompue qu'au moment où il sera capable de frapper vite et fort, en lançant une campagne terroriste organisée, combinée à une action de propagande forte.

Trinquier conclut le chapitre en expliquant que, la France n'étant pas un état totalitaire, il nous est impossible de simplement supprimer toute personne faisant connivence avec l'ennemi, que nous avons de toute façon souvent du mal à définir ouvertement, même lorsqu'il vient de l'étranger et nous présente à sa propre population comme étant un ennemi mortel.

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Le principe de définition de l'Ennemi est important également dans le domaine qui nous intéresse, celui de la politique intérieur et de l'action sociale.

D'une part, pour savoir contre qui se battre, mais aussi pour éviter d'être accusés par la propagande ennemie d'avoir une définition à géométrie variable.

Une définition mauvaise ou floue de l'Ennemi serait facile à utiliser pour nous présenter comme voulant tourner les français les uns contre les autres, et de vouloir la modifier constamment dans le but de cibler tous les opposants au pouvoir en place.



Il est donc important de prendre le temps d'identifier les contours de l'ennemi : ses partis politiques, ses groupuscules, ses actions contre la République.

Définir où est la frontière idéologique de la Nation Française, pour mieux quantifier qui l'attaque.
Identifier ses chefs, ses outils de propagande, ses moyens, pour pouvoir mieux les frapper ensuite.

Identifier les législations liberticides, qui pourraient servi à l'ennemi là où il prend pied dans le système politique et sécuritaire, pour les faire supprimer des codes.

Bien entendu, tout cela devra être fait dans le cadre d'un État de Droit, en situation de paix, qui répugne à sanctionner les groupes politiques eux-mêmes, même lorsqu'ils sont téléguidés par l'étranger, ou sont ouvertement une menace pour les principes démocratiques.



Une fois le travail de définition fait, les actions offensives peuvent être mises en place.

mardi 23 juillet 2024

Chapitre 4 - Le terrorisme, arme capitale de la guerre moderne

Chapitre 4

Le terrorisme, arme capitale de la guerre moderne


Nous passerons sur le chapitre 3, qui explique l'organisation de guerre du FLN en 1957, pour nous concentrer sur le chapitre 4 : le concept du terrorisme comme arme de guerre.

Trinquier considère le terrorisme comme étant une arme de guerre, utilisée pour séparer la population des autorités, par plusieurs moyens :


  • Le premier, donner un sentiment d'isolation à la population. Seul contre la violence, le citoyen se sent sans défense face à des attaques qui terrorisent son quotidien, et frappent de nulle part, à n'importe quel moment. Les cibles ne sont pas des symboles de la République, comme dans une guerre classique, mais la vie quotidienne des civils : magasins, restaurants, les rues où ils se promènent avec leurs enfants. La psychose déclenchée pousse les gens à rester terrés chez eux.
  • Le second, amener la rancœur envers l’État. La population, frappée chez elle dans son quotidien, a le sentiment lors d'une vague de terrorisme dont les forces de l'ordre et l’État sont incapables de la protéger. Des la combinaison avec des attaques contre les forces de l'ordre ou les services de la République enfonceront encore plus le clou : être proche de la République, c'est être une victime collatérale.
  • Le troisième est le rapprochement de force avec les insurgés : la seule manière de faire stopper la violence est de se mettre du côté des violents, c'est à dire des insurgés, voire même de rejoindre leur groupe. La propagande des insurgés présentera les choses de la sorte : les rejoindre, les soutenir, c'est l'assurance de la fin de la violence qu'ils déclenchent. Une propagande d'autant plus facile à utiliser lorsque les forces de l'ordre ou armées répondent au terrorisme par leur propre campagne de terreur aveugle.


Trinquier nous explique que le but du terrorisme n'est pas de frapper les forces armées, la police, ni même de tuer dans un but de dépouillement et de vol comme le feraient des bandits de grand chemin :
le terrorisme frappe le "ventre mou" du pays. Des cibles faciles à attaquer, qui n'ont aucun moyen de défense, sont toujours accessibles. Des gens normalement protégés par les lois de la guerre et par l'état.


De cette façon, le terroriste prend peu de risques lorsqu'il prépare son opération, car la cible est choisie spécialement pour sa vulnérabilité : terrasses de cafés, marchés à ciel ouvert, fêtes en extérieur, etc.

(NDR : selon la définition de Trinquier, les frappes russes en Ukraine sur des hôtels, hôpitaux et marchés, par définition non défendus, peuvent être qualifiées comme des actes de terrorisme)

Il continue en expliquant que, dans les zones peu couvertes par les forces de l'ordre et les services de la République, le terrorisme peut (et va) servir à supprimer l'emprise de l'état, en frappant en priorité les notables, les agents de l'état, les fonctionnaires territoriaux. Une fois l'emprise Républicaine supprimée, la population sera ralliée de gré ou de force. La population ralliée, les insurgés peuvent désormais se déplacer comme le poisson dans l'eau, et étendre leurs opérations aux secteurs voisins, en utilisant la même méthode.
Une surveillance des locaux sera mise en place, et les gens donnant des signes de non-ralliement punies durement, pour l'exemple.

Le terroriste est donc, pour Trinquier, à considérer non pas comme un criminel, mais comme un soldat. Cependant, il souligne que le terroriste, contrairement à un soldat ordinaire, refuse le risque, en frappant principalement des cibles sans défense. Il devra donc être traité comme un franc-tireur ou un aviateur abattu : interrogé pour connaître ses cibles, sa place dans l'organisation, ses contacts, pour pouvoir remonter le fil de son organisation le plus rapidement possible. Puis le terroriste, simple exécutant (NDR : en Irak et Afghanistan, les gens détonnant des véhicules piégés ou des vestes explosives étaient souvent de pauvres hères, qui faisaient ce 'travail' en échange d'une compensation financière pour leur famille) sera écroué jusqu'à jugement.

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Fait-on, dans la France des années 2020, l'objet d'une campagne terroriste de la part du RN, de ses troupes, d'organisations adhérant à ses idéaux ?

Réfléchissons à la définition de Trinquier :
-Frapper des gens sans défense chez eux ;
-Donner un sentiment d'isolation aux citoyens ;
-Créer une rancœur envers le pouvoir, son rejet, souligner son incapacité à protéger contre une menace, réelle ou imaginée ;
-Supprimer les notables ("élites"), les agents de l'état, les fonctionnaires ;
-Acquérir la population aux idées des insurgés par la force et par la peur ;
-Menacer d'exclusion, accuser de traitrise ceux qui refusent de plier ;
-Assurer que lorsqu'ils auront le pouvoir, l'ordre sera rétabli.

Si je prend la liste de façon franche et objective, tous ces éléments se retrouvent dans l'empire médiatique monté par Vincent Bolloré (Cnews, C8, JDD...) et d'autres médias 'mainstream'.
Certes, la violence et l'agression ne sont que verbales. Ne sont 'que' des mots.

Un TERRORISME INTELLECTUEL.

Présent partout, qui matraque les citoyens avec toujours des informations plus noires les unes que les autres, en présentant à longueur de page et de journée des faits divers sordides, appuyant sur le fait qu'ils pourraient arriver à n'importe qui, n'importe quand, car dans leur France de 2024, chaque coin de rue cache un "autre" (migrant, basané, noir, islamiste, gauchiste...), le couteau entre les dents, tuant les citoyens pour le plaisir.

Chez eux, les forces de l'ordre font leur travail, mais ce travail est sapé par un ennemi intérieur, l’État de Droit. 

Des juges qui remettraient en liberté les assassins par tombereau. Des associations 'wokes'* prêtes à tout pour faire relâcher des violeurs et des terroristes en puissance.

Les discours contre les supposées "élites", les diatribes de gens sortant de Science-Po ou de l'ENA contre tous les gens qui sont des intellectuels avec des idées différentes des leurs.

Argumentaire violent contre la fonction publique, faisant de la suppression de postes publiques, jugés "inutiles" une des priorités d'un futur nouveau gouvernement.

Répéter inlassablement les mêmes théories et histoires aux citoyens, en espérant les radicaliser contre les idées de Liberté, d’Égalité et de Fraternité présentes sur les frontons des écoles et des mairies à travers la pays.

Utiliser le concept de la trahison à toutes les sauces : lorsque des formations ont un débat démocratique, lors des alliances entre groupes politiques, dès que quelqu'un les accuse de chercher la dissension.


Et le Rassemblement National nous annonce, à chaque élection, que le porter au contrôle de la France rétablirai immédiatement l'Ordre (avec un grand O). Il suffit d'adhérer, il suffit de rejeter les préceptes de la République, et la violence qu'ils apportent quotidiennement dans la vie des français s'arrêtera.

A cela, on peut ajouter une réelle dynamique de terrorisme physique venue de mouvement d'extrême-droite en France : les 'ratonnades', les contre-manifestations violentes par des individus masqués dans certaines grandes villes, les projets d'attentats contre les services ou représentants de l'état par des groupes complotistes...

La France est victime, depuis des années, d'une campagne méthodique de terrorisme intellectuel, visant à avancer les pions de l'extrême-droite partout sur le territoire.
Au premier tour des élections législatives de 2024, nous avons vu le résultat : de gré ou de force, par la menace et la propagande, la carte de France s'est couverte de vert-de-gris.


Résultats du 1er tour des législatives 2024, en bleu foncé les circonscriptions avec RN, alliés et extrême-droite en tête des résultats. Pas très chouette.




*Woke : De l'anglais 'éveillé'. Terme lancé par les afro-américains pour parler d'égalité, d'altruisme et de compréhension entre les cultures et les gens. Utilisé par l'extrême-droite américaine et européenne comme raccourci pour définir tout ce qui n'est pas réactionnaire, et donc inadmissible pour eux.

"Woke", selon l'extrême-droite.

 

lundi 15 juillet 2024

Chapitre 2 - La Guerre Moderne : définition

Chapitre 2

La Guerre Moderne : définition


Dans ce chapitre, Trinquier nous parle de l'apparition de la guerre insurrectionnelle comme étant une nouvelle forme de guerre (dans la période 1945-61). Pas pour une dimension d'existence des insurrections armées, faits communs (entre autres dans les empires coloniaux, ou durant la seconde guerre mondiale avec les actions de partisans et franc-tireurs), mais comme articulation principale d'une guerre de moyenne ou grande envergure.

Indochine, Algérie, Malaisie, Palestine : la guerre n'est plus, d'après lui, un affrontement de deux armées conventionnelles à peu près équivalentes en capacités (mais pas forcément en moyens) et utilisant des combinaisons interarmes (sol, terre et mer).
La guerre devient non plus une question purement militaire, mais une question de combinaison de la force, de la psychologie et de la politique, pour renverser un régime et le remplacer par un autre.

Trinquier parle également de l'interdépendance entre nations - devenue entretemps mondialisation - menant à une circulation accrue des informations, et à la possibilité d'un conflit isolé à trouver un retentissement mondial, comme nous pouvons le voir actuellement avec, par exemple, Gaza et le conflit en Ukraine.

Chaque conflit secondaire peut donc (dans une dimension de guerre froide de l'époque) être représenté ou repris comme s'intégrant dans une multipolarité Est/Ouest, selon les besoins des personnes engagées.
On se souviendra par exemple de l'Indochine, où à partir de 1949 Ho Chi Minh saura attirer l'aide de la Chine et de l'URSS, qui déclenchera en réponse un soutien de la France par des Etats-Unis qui refusaient jusqu'alors de soutenir l'armée française, même indirectement.

Il critique ensuite les penseurs et stratèges militaires, qui se limitent à l'aspect militaire de la guerre, ignorant (volontairement ou par manque d'ouverture d'esprit) ses dimensions non-militaires. Pour lui, une armée ne peut gagner la Guerre Moderne qu'en s'engageant dans toutes ses dimensions : militaire, civile, politique, sociale, psychologique...
Il parle ensuite du manque d'étude de la guérilla après-guerre, et des moyens de la contrer. Les militaires se limitant souvent à noter les méthodes utilisées par les Allemands contre les maquis qui n'avaient eu aucune efficacité pour les stopper. Si tout le monde s'accordait à dire que les actions des partisans et franc-tireurs avaient gêné les allemands et aidé l'effort conventionnel des armées alliées, personne ne s'est occupé de savoir comment s'en prémunir, dans le cas où ces méthodes seraient utilisées contre nous.
La méthode principale étant l'utilisation (volontaire ou forcée) de la population. Trinquier cite même Mao : 

"Or, nous savons que le moyen essentiel pour vaincre dans la guerre moderne 
est de s'assurer l'appui inconditionnel des populations ; 
il est aussi indispensable aux combattants que l'eau au poisson" (p.6).


La guerre moderne, conclut-il, est celle d'une armée contre une organisation clandestine armée, dont le rôle principal est non pas de défaire une armée sur le champ de bataille, mais imposer sa volonté à la population (p.7).


Est-on dans une situation où un groupe conventionnel pense pouvoir battre une insurrection moderne avec des moyens dépassés ? Absolument.
Les partis Républicains, suite au changement de paradigme social et psychologique apparu avec les chaînes d'information 24/7 (1994 en France avec LCI) et les réseaux sociaux (surtout après l'arrivée de Facebook et Twitter à partir de 2006-07), ont pensé pouvoir continuer à communiquer sur leurs idées comme ils le faisaient précédemment.
Depuis des décennies, la politique de proximité se réduisait, et la communication n'était importante qu'en période de campagne, une fois tous les 5 à 7 ans selon le poste.

L'insurrection, cependant, a rapidement compris les possibilités qu'offrait la nouvelle communication : réagir à des faits divers qui tournent en boucle sur LCI ou BFMTV, être présent sur tous les réseaux sociaux sans distinction, de Twitter à TikTok, et surtout être toujours en train de dire quelque chose, vrai ou faux, pour exploiter les tensions internes du pays de façon constante, et élargir les oppositions entre les groupes internes.
Occuper le devant de la scène, et paraître à l'écoute face à des politiciens "à la papa", qui ne se présentent aux électeurs que pour les grandes batailles des élections, et sont le reste du temps à travailler, mais absents de la scène sociale et médiatique.
De même, l'interconnexion permet de faire circuler les informations (vraies ou fausses) à la vitesse de l'éclair, et polariser le moindre incident mineur (agression, violence policière, etc).

Une fois le problème de la montée de l'insurrection menée par le Rassemblement National détectée, les réponses ont également suivi le schéma rapporté par Trinquier :
- Aucune étude sérieuse de la menace, et des méthodes pour y remédier par les partis ;
- Abandon de terrain, en laissant les zones faiblement peuplées à la merci de l'insurrection, en se repliant sur les grandes métropoles, concentrant la communication et les programmes politiques sur les personnes y résidant ;
- Utilisation d'une "contre-guérilla", essayant de contrer pied-à-pied l'insurrection, et laissant donc toujours à l'ennemi l'initiative du terrain de l'affrontement ;
- Combattre avec les armes de l'ennemi, c'est-à-dire reprendre les théories et argumentaires des insurgés en espérant attirer à soi les électeurs "passés" au RN.

Toutes ces méthodes, comme le dit Trinquier, tentent de "résoudre rapidement le problème, sans même l'avoir posé".

En refusant d'étudier les raisons structurelles et psychologiques de la montée du RN. Les raisons structurelles et psychologique d'un désamour pour la chose démocratique, résumée par des taux d'abstention élevés et une représentativité des élus faible, menant à plus de corporatisme et à un cycle faisant toujours plus chuter l'adhésion démocratique et Républicaine.

LE POLITICIEN RÉPUBLICAIN DOIT ÊTRE DANS LA POPULATION 
COMME LE POISSON DANS L'EAU !


Lors des élections législatives de l'été 2024, le Rassemblement National (et ses alliés officiels et officieux, menés par Eric Ciotti et Eric Zemmour) a reçu un peu plus de 10 millions de votes (à un demi-million de voix de différences entre les deux tours, donc relativement stable).

Dix millions de votes, soit un peu plus d'un cinquième des inscrits (49 332 709).
Dix millions de votes, soit 15,4% des citoyens français (68 373 433).

L'insurrection n'est pas majoritaire en France.
Mais elle arrive à manipuler les citoyens et l'opinion, pour lui faire croire en sa majorité totale.
Elle est une organisation spéciale, de petite taille, mais prête à tout pour apparaître comme ayant le soutien de la population. De gré, ou de force. Par la propagande, ou par le terrorisme intellectuel.

Il ne tient qu'aux Républicains de tout bord (associations, politiques, société civile) de reprendre la main, et réduire l'insurrection, en utilisant des méthodes sur lesquelles nous nous étendront par la suite.

mercredi 10 juillet 2024

Première partie : la préparation à la guerre / Chapitre 1 - Une nécessité, adapter notre appareil militaire à la guerre moderne

Première partie : la préparation à la guerre

Chapitre 1

Une nécessité
Adapter notre appareil militaire à la guerre moderne


 

Vétéran du conflit sino-japonais, de la seconde guerre mondiale, d'Indochine et d'Algérie, Trinquier commence son ouvrage par un constat simple : les forces armées de la France d'après 1945 s’organisent et s'axent autour d'un combat purement conventionnel, destiné à affronter un ennemi near-peer dans un conflit symétrique.
Alors que les "guerres modernes" de l'armée françaises se font sous le signe de l'asymétrie, contre un adversaire qui se fond dans les populations et refuse systématiquement la bataille rangée, où sa capacité de combat inférieure serait rapidement éliminée.

"Nous dispersons en effet des bandes armées plus que nous les détruisons" (p.4)

D'après Trinquier, cette incapacité à s'adapter à un ennemi qui n'accepte pas le combat symétrique crée plusieurs problèmes majeurs :
- Un sentiment d'ennemi invincible, qui s'accrédite auprès de la population par l'incapacité d'une armée moderne à le battre. Sentiment retrouvé en Afghanistan.
- Développement d'idées fausses sur les actions de la France, comme au Sahel, où l'armée française a même été accusée d'aider les djihadistes qu'elle combattaient, les locaux étant incapables d'imaginer que l'armée française de 2020, avec tous ces moyens, ne puisse pas neutraliser des bandes armées uniquement équipées de fusils et de 4x4 Toyota.
D'après Trinquier, ces fausses idées sont faciles à diperser par propagande dans les populations civiles, les menant à une neutralité de fait qui les poussera à ne pas soutenir la République, et laisser faire les insurgés.


Les parallèles avec la situation actuelle en France sont faciles à trouver.
D'un côté, une République utilisant des moyens de communication surannés, à l'époque de la "post-vérité" et des faits alternatifs, diffusés en masse par des acteurs n'hésitant pas à exploiter le fonctionnement des réseaux sociaux et leurs algorithmes, et sur des agent du chaos* étrangers.
De l'autre, des groupes prêts à faire circuler tous les mensonges (distorsions de chiffres officiels, mensonges par omission, fausses nouvelles) et matraquer la population de faits divers sordides à longueur de journée pour faire monter leurs chiffres.

Ces méthodes antédiluviennes (datant d'avant le déluge des réseaux sociaux), combinées à une pensée politique complètement dépassée, qui se base sur des classes sociales qui n'existent plus dans leurs anciennes formes, et sur une séparation imaginée entre des zones géographiques et des classes d'âges données (jeunes contre retraités, ruraux, métropoles contre la "France périphérique"...) essayent de mener l'extrême-droite dans une bataille rangée qu'elle esquive, refusant même de débattre avec leurs opposants dans les circonscriptions (France Bleu, législatives 2024).


La capacité du RN à esquiver le combat de ligne tout en attaquant tous les jours via réseaux sociaux et médias 'traditionnels' donne deux images fausses :
- L'arrivée de Marine Le Pen au pouvoir est inéluctable, et donc le plus tôt serait le mieux, "pour s'en débarrasser". Arguant que l'extrême-droite, une fois au pouvoir, pourrait en être retirée facilement aux élections suivantes (le type de théories également développées par la droite Allemande de Von papen dans les années 30, avec le résultat que l'on sait) ;
- La République (et/ou le parti à sa tête) manipulerait les élections pour empêcher le RN de remporter une victoire qui lui est due, partant du principe que le candidat avec le plus gros score au premier tour est forcément victorieux au second dans une élection à deux tours.

"Nous ne devons donc plus nous laisser leurrer, et abandonner la lutte avant la victoire finale, car nous manquerions gravement à notre devoir. Nus livrerions des populations dans défense à des ennemis sans scrupules qui pourront les asservir à leur gré" (p.4)


Qu'on ne l'oublie pas : malgré la 'dédiabolisation', le Rassemblement National (et son allié de fait Reconquête, s'ils survivent après avoir étés saignés par Marion Maréchal) reste un parti anti-républicain, factieux, raciste, et une menace pour la France qui se targue d'assurer Liberté, Égalité et Fraternité à ses citoyens.
Face à leur insurrection, il est temps que les Républicains de tout bord mènent contre eux la Guerre Moderne, qui va plus loin d'un "barrage républicain", chancelant et lézardé de failles visibles de tous.



*Seront compté comme "agent du chaos" tous les acteurs qui appuient la circulation de fausses informations, non pas pour appuyer un parti spécifique, mais simplement pour créer le conflit et le doute chez les citoyens. L'Iran et la Corée du Nord sont coutumiers du fait. Si la Russie peut être considérée comme partie prenante dans les campagnes organisées par les partis d'extrême-droite en Europe, fournissant des moyens financiers et parfois techniques, ils ont également tendance à simplement agir en agents du chaos, pour brouiller les cartes lors de scrutins mineurs ou majeurs.

lundi 8 juillet 2024

Le théories de lutte contre les insurrections de Trinquier peuvent-elles nous apprendre comment redresser la France de 2024 ? Introduction.

La théorie militaire est-elle soluble dans la politique française du XXIe siècle ?

Nous y voilà donc. 

Lundi 8 juillet 2024. 

Au lendemain d'une élection législative anticipée, à mi-mandat, organisée en urgence, sans - semblerait-il - la moindre préparation ou réflexion en amont. Une dissolution non préparée, à la lumière d'un scrutin porté par une faible participation (les européennes de juin 2024). 

Au lendemain d'un score forcément historique pour l'extrême-droite. L'extrême-droite de Jean-Marie Le Pen (n'en déplaise aux dédiaboliseurs de tous bords), qui avait touché du doigt la Présidence en 2002, et n'a fait que ronger son frein - et mieux organiser sa progression - depuis. 

Résultats du second tour des législatives 2024, en bleu foncé les circonscriptions désormais représentées à l'assemblée nationale par le Rassemblement National.


Avec une montée du nombre de sièges contrôlés par le Rassemblement National, un parti foncièrement anti-républicain. 

Une situation que l'on pourrait comparer à celle de 1871, où les partis républicains, de gauche et de droite, sont face à de puissants groupes monarchistes, qui n'aspirent qu'à ramener les Bourbons à la tête du pays une fois de plus. 

La prise de puissance d'un parti anti-républicain, au XXIe siècle en France, est une forme d'insurrection. Pas une insurrection physique, avec des attaques de bases militaires, mais une insurrection intellectuelle. Une attaque quotidienne, un terrorisme visant à détruire les piliers de la République, et à mettre en place un système différent, qui n'aspirerait ni à la liberté de ses citoyens, l'égalité entre ces derniers, et la fraternité entre les peuples. 

Face à cette insurrection au long cours (débutée dès la fin de la guerre d'Algérie en 1962, mais centralisée avec la création du FN en 1972), les partis Républicains, de gauche comme de droite, se sont repliés derrière leurs fortifications, ont abandonné du terrain aux insurgés, parfois monté des alliances avec ces derniers pour s'assurer des postes dans l' "après" ou se maintenir, ou ont simplement abandonné le combat. 

 

Ces vingt dernières années, partageant ma vie entre les grandes métropoles et la France "périphérique", j'ai vu le fossé se creuser, et les idées exprimées par le Colonel Roger Trinquier me revenir, telle une litanie, après chaque élection, que ce soit en lisant les programmes ou en regardant les résultats, et l'avancée du vert-de-brun peint en bleu "Marine". 

Roger Trinquier, officier dans l'armée Coloniale à partir de 1928, para-colo de 1946 à 1960, utilisera son expérience en Indochine, en Algérie et en Afrique pour poser les bases d'une solide théorie de la contre-insurrection. Ses théories dans le domaine sont regroupées dans l'ouvrage La Guerre Moderne, paru en 1961.

C'est ce livre que je propose de vous lire, résumer, et étudier la façon dont les théories présentées peuvent être mise en relation avec la situation politique en France en 2024, et les pistes de réflexion concernant la réduction et, qui sait, l'élimination de l'insurrection anti-Républicaine. 

La découpe sera faite de la façon suivante : un article pour chaque chapitre - sauf dans les cas où les choses seraient trop denses pour s'y limiter - pour tenter de garder, au maximum, la structure d'origine dessinée par Trinquier. 

Cette structure est comme suit : 


Je ne me targue évidemment pas de tout savoir sur quelque sujet que ce soit, et veut simplement partager avec vous une idée, celle que la stratégie militaire n'est pas intéressante que pour les soldats, et que le maintien de la paix sociale Républicaine utilise les mêmes ressorts (mais pas les mêmes méthodes) que la maintien de la paix militaire. 

Dans ce cadre, je suis ouvert aux critiques, du moment qu'elles sont constructives

L'édition de La Guerre Moderne utilisée dans le cadre de cette série d'articles est parue chez Economica en 2008, dans la collection Stratégies & Doctrines, préfacée par François Géré.

 

Colonel Roger Trinquier en Algérie


mardi 25 juillet 2023

Développement des forces aériennes locales à coût réduit : Le retour du Boeing OV-10 Bronco

Depuis le retrait de la force Barkhane du Mali, comme souvent avec le départ d'une force occidentale, le pays en question se retrouve privé d'un multiplicateur de force majeur, celui de la frappe aérienne.

Le problème reste le même depuis la fin de la seconde guerre mondiale : le développement de l'aviation d'attaque, et plus précisément des voitures fixes et tournantes destinées au support des troupes au sol est un élément majeur de la façon de fonctionner des armées occidentales, surtout dans le cadre des opérations contre-insurrectionnelles, qui sont devenues communes dans le cadre du conflit contre les milices djihadistes depuis la fin des années 90.

Mais leur utilisation comme pivot de fonctionnement se fait durement ressentir dès que la force aérienne n'est plus disponible.

OV-10G "Bronco" de North American Rockwell, aujourd'hui produit et supporté par Boeing Défense

Le CAS (close-air support)

Le support des forces terrestres en cas de guerre est presque aussi vieux que l'aérostat lui-même. Dès 1893, l'armée révolutionnaire française fonde une compagnie d'aérostiers, qui utiliseront leurs ballons captifs pour observer l'ennemi, permettant le repérage au profit de l'artillerie et relevant les mouvements de troupes ennemies.

L'évolution des télécommunications permet, à l'ouverture de la première guerre mondiale, aux aérostiers d'emporter des téléphones de campagne, et d'effectuer leurs travaux en synchronisation avec les troupes au sol, au lieu de devoir user de signaux visuels ou du largage de messages.

Très vite, l'avion devient une nouvelle source de renseignement et d'appui. S'il ne permet pas de rester aussi longtemps dans les airs, l'avion peut cependant faire de la surveillance en profondeur, et du bombardement.

L'évolution de la précision des armes et des radios permet, petit à petit, de rapprocher les bombardements de la ligne de front, et de soutenir de plus en plus près les troupes au sol.

Suite à l'expérience Indochinoise, l'armée française pose les bases de ce qui deviendra connu sous le nom de "close air support" (CAS), l'appui des forces au contact.

Pour ce faire, l'Armée de l'Air, la Marine et l'Armée de Terre s'appuient sur plusieurs nouvelles technologies, parfois développées de façon ad hoc. 

La première est la création d'hélicoptères d'attaque. Le principe de base est simple : les hélicoptères de transport sont équipés de mitrailleuses, canons ou lance-roquettes, et permettent l'appui-feu des posers opérationnels en rase campagne.

Sikorsky H34 de la marine française, équipé de deux canons de 20mm MG151/20 pour l'appui-feu

La seconde est l'apparition des armes guidées, tirées par avions ou hélicoptères. A l'origine filoguidées, elles permettent, depuis une altitude mettant les appareils à l'abri des tirs venant du sol, de frapper les troupes ennemies de façon précise, avec un risque réduit de toucher les troupes amies.

La troisième est la création d'un nouveau type d'appareil, conçu pour effectuer à la fois la reconnaissance, l'observation d'artillerie et le CAS. Ces appareils, souvent basés sur des appareils d’entraînement (dont le plus iconique est le T-6 jaune en Algérie), sont souvent biplaces (pilote et observateur) et relativement lents, ce qui leur permet de viser les troupes ennemies de façon stable, au plus près de la zone de contact.

North American T-6 français en Algérie, équipé de pods canons et roquettes pour le support des troupes au sol

Ces outils sont utilisés soit en escorte, soit en maraude, où ils sont maintenus en vol pour intervenir en cas de contact entre les troupes amies et l'ennemi.

Si les outils du CAS ne permettent pas le même volume de feu que l'artillerie à tubes, ils ont pour avantage une souplesse d'utilisation et une rapidité de mise en œuvre, même dans des terrains non repérés à l'avance, dont il devient difficile de se passer.

Le principe du CAS sera développé petit à petit, entre autres par les Américains au Vietnam, avec la création d'hélicoptères d'attaque dédiés au combat, et d'avions conçus autour de l'observation et de l'attaque au sol, qui permettront une plus grande efficacité par rapport aux hélicoptères et avions modifiés pour le rôle. Même si les hélicoptères de transport armés (souvent appelés "gunship") restent d'actualité jusqu'à nos jours.

Hélicoptère Mil Mi-17-1V gunship, permettant à la fois le transport de troupes et l'appui-feu

 

Avec l'apparition des armes guidées par télévision, laser et GPS, le CAS s'est peu à peu éloigné des avions à hélice, et aujourd'hui, avec l'aide de personnels spécialement formés présents au sol appelés JTAC (Joint Terminal Attack Controller), qui fournissent les informations nécessaires en direct via modules de désignation laser ou GPS, les opérations de support au contact sont en général réalisées par des appareils volant à haute altitude (B-1, B-52) ou des jets de chasse (Mirage 2000D, Rafale, F-16...), qui n'ont plus besoin de voler à basse vitesse et basse altitude pour s'assurer de ne pas frapper des troupes amies.

Le problème du CAS par les pays fortement industrialisés

Mig-21 Bis Malien en 2012

 

Le problème de l'utilisation du CAS dans les opérations combinées avec les pays pauvres et émergents se pose malheureusement depuis des années. La chute accélérée de Saïgon en 1975 sera en partie expliquée par l'état-major du Sud-Vietnam comme due au retrait du support aérien américain : les sud-vietnamiens sont entraînés de 1965 à 1974 aux opérations combinées, avec un appui d'artillerie, des hélicoptères pour les mouvements rapides et des avions d'attaque prêts à intervenir contre les troupes ennemies qui s'aventureraient à découvert. Le retrait des avions américains permet soudain aux nord-vietnamiens d'opérer à découvert de jour, et les sud-vietnamiens perdent une composante importante de leurs dispositifs interarmes.

Et ce schéma se reproduit à chaque fois qu'un pays fortement industrialisé fournit une aide technique et matérielle : la France au Tchad contre l'armée Libyenne, l'URSS en Afghanistan, puis les États-Unis en Afghanistan...

La maîtrise des airs permet de créer un dôme de protection pour les troupes alliées, ou parfois même des forces neutres : les interdictions de survol décrétées au-dessus de l'Irak après 1991 et en ex-Yougoslavie empêchent l'utilisation de forces aériennes pour la répression des indépendances, ou simplement le bombardement des civils depuis les airs.

Cependant, comme nous le voyons actuellement en Ukraine, la maîtrise de l'air est complexe, et nécessite des ressources que beaucoup de pays n'ont pas. L'exemple le plus criant est la contre-performance actuelle des russes, qui pouvaient se permettre tout et n'importe quoi en Syrie (y compris des manœuvres stupides), où les forces de la coalition ne vont pas les intercepter. Mais, en Ukraine, où les défenses aériennes sont denses, et suppléées par une force aérienne opérationnelle, les forces aériennes russes (VKS) ont peiné à avoir la maîtrise de l'air lors de leur attaque surprise du 24 février 2022. Et, ayant étés incapables d'éliminer les forces de défense aériennes et anti-aériennes ukrainiennes, les forces russes se retrouvent depuis face à un ciel contesté, où ils ne peuvent engager d'appareils à haute altitude, et peuvent difficilement les risquer, même à basse altitude, au-delà de la ligne de front.

L'engagement en pointillés des VKS dans le ciel ukrainien montre, en outre, que la gestion des forces aériennes sur le champ de bataille est complexe, et demande d'avoir des pilotes, opérateurs radar et radios bien formés.


Le problème de la force aérienne pour les pays émergents

Si la Russie, avec ses appareils relativement modernes et son armée professionnelle, est incapable d'y arriver, quelles sont les chances des pays émergents ?

Le premier problème qui se pose est celui de la flotte aérienne. Les pays émergents, en Afrique notamment, sont souvent équipés de matériels hérités de la guerre froide, quand les blocs leur offraient du matériel au nom de la grande Lutte. Ces matériels, parfois (souvent) pilotés et maintenus en état par le pays qui les mettait à disposition, ne sont souvent pas adaptés à la situation locale.

Pour exemple, les forces aériennes du Mali ont été équipées de chasseurs Mig-21, offerts par l'URSS, au nombre de 14 appareils. Après le retrait soviétique en 1991, les appareils se sont petit à petit dégradés, pour arrêter de voler en 2012.

Malgré la présence dans l'armée malienne d'hélicoptères Mi-24 et Mi-35, tous les vols de soutien de Serval et Barkhane contre les forces jihadistes ont étés opérés par des hélicoptères et des avions de l'armée française.

Depuis le retrait de la force Barkhane et de ses appareils, les troupes de JNIM et AQMI, qui ne se déplaçaient plus en nombre, se permettent de nouveau de sortir au grand jour.


 
Troupes de JNIM se déplaçant à découvert au Burkina Faso

Si certains affirmeront que les maliens ont fait leurs choix, en préférant l'alliance avec la Russie à celle avec la France, cela reste symptomatique d'un problème de méthodologie pour les pays aidant...

Et la France répète déjà le même schéma avec les voisins du Mali, en y postant des troupes et des moyens de support aériens.


Négatif pour eux, négatif pour nous

Le problème de la méthodologie actuelle est qu'elle repose sur une idée absurde, celle qu'il ne faudra rester que jusqu'à la fin du conflit, avant de rentrer chez nous. 

Cependant, les exemples afghans et maliens (et au Vietnam, dans une autre mesure) nous ont montré une chose : dans ce type de conflit protéiforme, les accords n'ont que peu de valeur, et les conflits ethniques larvés (avec la couche de peinture religieuse appliquée par-dessus) ne peuvent avoir qu'une fin politique.

Les pays de l'Ouest global ne voulant habituellement plus se mouiller dans la politique interne des pays, pour des raisons diverses (exemple américain en Irak et Afghanistan, peur d'être accusés de colonialisme...), les interventions sont donc à rallonge, durant une ou deux décennies (9 années pour l'opération Barkhane).

Face à cette réalité, il est important de changer de méthode, et d'arrêter de faire combattre des pays pauvres comme s'ils étaient riches. Ce qui permettra de désengager progressivement la chasse au profit d'une solution locale.

Et, dans ce cadre, l'utilisation d'avions de chasse, d'hélicoptères et de satellites est à proscrire. Tout utile qu'ils soient, ces outils sont trop chers, en usage et en maintenance, pour les pays dont nous parlons ici.

Il est important de former les locaux sur des outils qui soient à leur niveau, pour qu'ils puissent les maintenir en état et les utiliser après le départ du pays riche. Il en va de leur indépendance par rapport à nos aides.

Et, accessoirement, de ne pas en confier la maintenance et le pilotage à des contractuels, dont la fiabilité n'est pas prouvée, et qui déresponsabilisent les armées locales.


L'OV-10 "Bronco" de Boeing, ex North American Rockwell : Outil de la conversion


Il fallait qu'il entre en scène à un moment donné, étant dans le titre de l'article.

L'outil aérien le plus adapté à cette métamorphose de la relation entre nos pays et les émergents que nous aidons dans leur lutte contre des forces rebelles est l'OV-10 Bronco.


Développé dans les années 1960 par deux ingénieux (l'ingénieur W.H. Beckett et le colonel des Marines K.P. Rice) ayant fait connaissance sur le site d'essais de China Lake, l'OV-10 a connu l'expérience du Vietnam, en tant qu'appareil de surveillance, de repérage d'artillerie et de support. Les OV-10D de l'USMC ont opéré en Irak en 1991 pendant Desert Storm, mais également en en 2013, aux mains du 160e SOAR (SOCOM) en Afghanistan, et en 2015, lors de tests grandeur nature contre les forces de Daesh en Syrie et Irak.

L'appareil est donc toujours parfaitement adapté à la fonction dont nous parlons ici, opérer comme soutien multirôle contre des forces irrégulières, de jour comme de nuit.


Techniquement, l'OV-10 est un appareil relativement simple, qui utilise un train tricycle à bras tirés, équipée de pneus larges, lui permettant de faire usage de pistes de fortune. L'appareil est conçu pour décoller de pistes très courtes (226 mètres en charge, atterrissage sur 226 mètres à vide et 381 mètres à pleine charge). Cette capacité de décollage et poser sur courte distance lui permettait d'être opéré par l'US Navy et l'US Air Force depuis des porte-avions, alors que l'appareil n'est pas équipé pour le lancement via catapulte ou l’appontage.

OV-10A opérant depuis un porte-avions au Vietnam


La motorisation est  composée de deux turbopropulseurs Honeywell TPE331 civils. L'accès aux baies est simplifiée au maximum, pour permettre l'entretien sur des terrain mal équipés. La conception générale de l'appareil est pensée pour permettre un entretien courant n'utilisant qu'une trousse à outils de type automobile. Les turbopropulseurs sont eux-mêmes toujours distribués par Honeywell pour des usages civils, permettant un accès facile aux pièces de rechange.

Nacelle moteur d'OV-10A, montrant l'accès au Garett T76 (aujourd'hui Honeywell TPE331)

Voilà donc pour la facilité d'entretien et d'opération de l'OV-10 dans des pays possédant une infrastructure limitée. Mais pour les besoins de la mission ?

Verrière galbée d'un OV-10D+ (identifiable aux hélices quadripales)

 

L'OV-10 est un appareil tout-temps biplace (pilote et observateur), équipé d'un cockpit-bulle permettant une très grande visibilité.

L'OV-10A, avec les moteurs T76 originaux des années 60 et des réservoirs supplémentaires, est capable de voler 5h30 sans ravitaillement, permettant les escortes longues et les maraudes.

L'appareil est également capable d'emporter diverses armes, comme des bombes et roquettes non guidées sur 7 pylônes (2 sous les ailes et 5 sous la cellule). 

L'OV-10X "Super Bronco", proposé par Boeing lors du programme Light Attack/Armed Reconnaissance (LAAR), était quand à lui capable d'utiliser des munitions guidées (AIM-9 Sidewinder et AIM-114 Hellfire). 

L'OV-10G+, testé lors du programme Combat Dragon II en 2013, était quand à lui capable de tirer l'APKWS II, une munition guidée par laser basée sur la roquette Zuni FFAR.

Les OV-10D, D+, D+ et X sont par ailleurs équipés Link-16, ce qui permet son intégration dans le système d'appui feu interarmées, et donc une totale interopérabilité avec les armées de l'OTAN dans le cadre des opérations communes.

Fiche Boeing du Super Bronco

Le dernier argument en faveur de l'OV-10 est sa disponibilité : l'US Army et l'US Navy ont redéployé des cellules remises à niveau en 2015 pour tests. Des appareils sont en service continu avec le California Department of Forestry and Fire Protection pour la surveillance des feux de forêts, et l'entreprise privée Blue Air Training, située à côté de Las Vegas, opère 7 appareils pour la formation JTAC embarquée, pour le compte de l'US Air Force.

OV-10A de surveillance des feux de forêts en Californie

Mais, plus important que cela, Boeing semble ouvert à la relance de la production de l'appareil, qu'ils ont hérité de leur rachat de North American Rockwell en 1996. Une version modifiée de l'appareil, qui garde la mécanique d'origine en modernisant le cockpit et en ajoutant la capacité d'utiliser des armes guidées modernes (JDAM, Paveway, Hellfire...), a été proposée lors du programme LAAR, lancé en 2009 mais annulé en 2020.


OV-10A modifié par la NASA pour la surveillance de site et les relevés environnementaux.


Un appareil de ce type, simple et efficace, combiné à une formation de JTACs et de mécaniciens locaux, permettrait aux forces occidentales de concevoir la remise de leur défense nationale aux pays alliés, y compris ceux limités par leurs infrastructures et la profondeur de leur bourse.

 

Permettant de désengager notre présence, et de garantir l'indépendance des pays concernés.

Et de relancer la gamme petits appareils de Boeing, qui en a bien besoin en ce moment.


Combiné à une force de drones légers, lancés par catapulte ou à la main, l'OV-10 peut être l'outil de l'indépendance de nos alliés moins fortunés.

dimanche 25 juin 2023

Coup d'état avorté : SMP Wagner contre l'Etat russe

RAPPEL DES FAITS (à l'heure française)

 Vendredi 23 juin 2023. La journée se termine calmement en Europe. Je passe sur les réseaux pour voir s'il y a des nouvelles du front Ukrainien.

Les forces ukrainiennes revendiquent la capture de territoires contrôlés par les russes depuis 2014. Sacré symbole. Il est 18h.

Un peu avant 20h, certaines sources fiables s'affolent : les russes auraient frappé des positions de Wagner. Les rumeurs circulent sur des ordres de tirer à vue sur les troupes de la SMP (société privée militaire).

Vers 22h, les choses s'accélèrent. Les canaux Telegram pro-Wagner commencent à parler de révolte, le FSB a à priori fermé la frontière russo-ukrainienne. La confusion est totale.


 A minuit, des vidéos commencent à apparaître du bouclage de Moscou, avec des BTR-82 accompagnés de petits groupes d'infanterie dans les rues de la capitale Russe. Il se passe quelque chose, mais quoi ? Igor Girkin à Donetsk semble annoncer que Wagner a pris son indépendance et attaque le territoire russe.

Samedi matin, l'Europe se réveille pour découvrir que la ville de Rostov, et le QG des forces armées russes qui contrôle les opérations en Ukraine, sont sous le contrôle de Wagner, qui déclare être en conflit avec le pouvoir central, mais pas la population.

Avant 7h du matin, les forces spéciales du MVD (ministère de l'intérieur Russe) ont investi les bureaux de Wagner à St Pétersbourg et commencé à perquisitionner les lieux.

Troupes de Wagner dans Rostov le 24/06/2023. A noter les marquages d'identification, pour éviter les tirs fratricides)

Dans la nuit, un second groupe de soldats de Wagner, une colonne motorisée, serait entrée en Russie plus au Nord, a pris la ville de Voronej, et roule sur l'autoroute M4 en direction de Moscou.


Dans la matinée, Vladimir Poutine sort de sa réserve et fait une déclaration qui condamne les traitres et factieux, et promet des punitions contre Prigozhin et tous ceux qui participent à son petit coup d'état.

A midi heure française le 24/06/2023, Wagner annonce avoir abattu 5 hélicoptères et un avion de surveillance Iliouchine des forces aériennes russes.

Les forces russes, de leur côté, semblent utiliser des Kamov Ka-52 pour détruire des dépôts de carburant présents sur le trajet, pour empêcher les factieux de se ravitailler.

En début d'après-midi, Kadyrov annonce que ses troupes personnelles sont envoyées pour capturer Rostov. Elles resteront à priori bloquées dans un gigantesque bouchon sur les voies rapides une bonne partie de l'après-midi.

La "Tik Tok Brigade" de Kadyrov roule vers Rostov depuis la Tchétchénie.

Du côté de Moscou, la défense passive s'organise. Les forces du MVD créent des chicanes sur les autoroutes avec des poids-lourds abandonnés, des engins de chantier creusent les chaussées sur l'autoroute M4 pour stopper les véhicules de Wagner. Les troupes de l'armée russe sont invisibles.

Barrages en pleine installation sur l'autoroute M4, au sud de Moscou.

Les moscovites ayant les moyens commencent à fuir la ville, avec des vols vers l'étranger (pour les plus chanceux) ou les villes de périphérie remplis toute la journée.

Dernière place dans le vol Moscou-Yerevan de 20h30 le 24/6/23, mise à prix 2400$. Source Meduza/Kevin Rothrock

Engins de travaux publics creusant la chaussée sur la M4 au sud de Moscou

Et puis, en fin d'après-midi, le soufflé tombe.

La colonne de troupes Wagner aurait fait demi-tour. Lukashenko, dictateur biélorusse, aurait rencontré Prigojine et monté un deal pour éviter l'attaque de Moscou.

Dans la soirée, des annonces officielles sont faites. Prigojine a abandonné. Wagner retourne à ses quartiers, leur chef sera exilé à Minsk avec interdiction de retourner à son fief de St Petersbourg. La milice privée, d'après les annonces, ne sera pas sanctionnée.

La révolte du chef de guerre Prigojine semble être terminée.

QUI EST WAGNER ?

 La question est complexe.

Dmitry Utkin, la face "publique" du Groupe Wagner lors de ses débuts, aimait à présenter le groupe comme une simple Société Militaire Privée (SMP), telle que Blackwater (US) ou Executive Outcomes (Afrique du Sud). Cette présentation publique a mené pendant des années (et encore aujourd'hui) certains commentateurs à justifier les actions de Wagner en les comparant à Blackwater, oubliant au passage que les actions criminelles de Blackwater ont mené à plusieurs condamnations (et à sa dissolution).

La première opération de Wagner consistera à fournir un soutien technique et logistique aux "républiques séparatistes" fantoches de Donetsk et Lughansk, à partir de 2014, dans leur conflit contre les autorités Ukrainiennes.

Par la suite, Wagner apparaîtra partout où le pouvoir du Kremlin aura besoin de forces armées, mais sans vouloir s'engager directement (Syrie, Donbass, Soudan, Centrafrique, Lybie...). Cette dimension de "plausible deniability" fournie au Kremlin les rapproche donc des mercenaires utilisés par la France, les États-Unis ou la Belgique en Afrique, des aventuriers ou ex-militaires engagés pour effectuer les travaux que les pays occidentaux ne désiraient pas faire directement eux-mêmes.

Cette plausible deniability sera montrée ouvertement lors de la bataille de Khasham en Syrie en 2018, où des éléments de Wagner et Syriens en plein engagement avec des troupes Kurdes et des Forces Spéciales américaines seront abandonnées par le commandement russe, qui retireront au dernier moment le soutien aérien et les défenses aériennes aux mercenaires, menant à la perte de 200 hommes, dont 100-120 blessés (d'après les sources Américaines et Wagner, chiffre revu à la baisse par le Kremlin).

Les hommes de Wagner sont également connus pour leur cruauté et le peu de cas qu'ils font de la vie des locaux, que ce soit en Afrique ou en Syrie.

Utkin disparaît peu à peu de la scène publique, et est remplacé en 2022, lors de l'invasion de l'Ukraine, par l'homme déjà réputé être derrière le groupe depuis sa création, Yevgeny Prigozhin.

Prigozhin est un pur produit de la Russie post-soviétique. Mis en prison pour vol et fraude en URSS, il passera 9 ans dans le système carcéral soviétique, dont il sort en 1990. Après la chute de l'URSS en 1991, il devient "entrepreneur" dans la restauration, les supermarchés et les casinos. Natif de Saint-Pétersbourg, il deviendra proche de Vladimir Poutine, et est souvent surnommé "chef de Poutine".

Wagner est actif en Ukraine depuis le début des combats en 2014, mais s'est particulièrement fait connaître pour son offensive de 9 mois sur la ville minière de Bakhmut (septembre 2022 à juin 2023). Lors de l'offensive sur Bakhmut, Prigozhin et son groupe Wagner deviennent tristement célèbres pour leur stratégie d'envoi de vagues de soldats mal entraînés, et embauchés dans le milieu carcéral contre la promesse d'une annulation de leurs peines, y compris pour les crimes violents (viol, meurtre, etc).

Après le retrait de Wagner de la zone de Bakhmut, Prigozhin déclarera y avoir perdu 16 000 hommes, dont 10 000 ex-prisonniers, et renvoyé des milliers d'ex-prisonniers à la vie civile en Russie.

La situation a toujours été tendue entre Prigozhin et le chef du Ministère de la Défense russe, Serguei Shoigu. Autre pur produit de l'après-URSS, Shoigu est régulièrement accusé par Prigozhin de refuser l'envoi de munitions et d'équipements au groupe Wagner. Prigozhin à d'ailleurs affirmé que sa tentative de putsch était menée contre le ministère de Shoigu, et non contre Vladimir Poutine.

Le groupe Wagner est également considéré comme groupe terroriste par la France et comme groupe criminel international par les États-Unis.

LA RÉACTION DE L’ÉTAT RUSSE

 Dire que la réaction a été molle n'est pas peu dire.

Le FSB a lancé un mandat d'arrêt contre Prigozhin le 23 dans la soirée, mais d'après certaines sources les cadres locaux et nationaux étaient déjà trop loin dans leur soirée pour en faire quoi que ce soit. En bref, ils étaient déjà ivres pour le week-end.

Vladimir Poutine fera une annonce télévisée le 24 au matin, où il dénonce la tentative de Prigozhin et le voue aux gémonies. Pour lui, le chef de Wagner, et le groupe tout entier, sont des traîtres et devront être punis.

La télévision d'état, de son côté, parlera d'insurrection.

La réaction la plus importante est celle de Lukashenko, qui volera de Minsk à Rostov (probablement sur ordres du Kremlin) pour aller négocier avec Prigozhin. De cette façon, le pouvoir ne se mouille pas directement, et continue de s'évacuer de Moscou au cas où les négociations ratent.

Où EST L’ARMÉE RUSSE ?

 Pendant toute cette opération, de son début vendredi soir à la "signature" des accords entre Lukashenko et Prigozhin en fin d'après-midi vendredi, l'armée russe a brillé par son absence.

Tout d'abord, malgré les demandes apparentes de l'appareil d'état Russe, les troupes de Wagner ont pu quitter leurs casernements en arrière du front et passer la frontière russo-ukrainienne, à priori en deux points (un en direction de Voronej et Moscou, l'autre en direction de Rostov) sans être inquiétés.

Rostov, ville de garnison de l'armée russe pour la zone sud, est capturée dans la nuit par Wagner, et le quartier général des forces russes, qui contrôle les opérations en Ukraine, est pris sans tirer un coup de feu. Toute la journée, les véhicules blindés et les troupes de Wagner sont vues dans la ville et ne semblent pas inquiétées par les militaires russes.

De même, mis à part quelques escarmouches avec des hélicoptères russes - dont six seront abattus par les postes sol-air de Wagner - la colonne partie vers Moscou, qui transporte ses blindés sur des porte-chars pour rouler plus vite, ne subit aucun harcèlement ou embuscade par les forces russes.

Porte-char de Wagner sur la M4, avec un T-80 embarqué

 

Les images diffusées par les médias russes montrent des barrages creusés dans les chaussées et des camions abandonnés sur les routes, mais à aucun moment la 4e division de chars de la Garde, basée à Naro-Fominsk au sud de Moscou (et quasiment sur l'axe d'approche de Wagner) n'est aperçue. Alors que deux régiments de T-80U se déplacent difficilement en toute discrétion.

Position de la 4e Division de la garde et axe d'approche du convoi de Wagner.

 

La seule force envoyée à Rostov en réaction aux actions de Wagner seront les Tchétchènes de la Rosvgardia de Kadyrov. Légèrement armés et équipés, et surnommés "TikTok Brigade" pour leurs compétences plus élevées à faire des vidéos sur les réseaux sociaux qu'au combat contre les Ukrainiens, il est douteux qu'ils auraient vraiment étés capables de reprendre la ville à Wagner sans pertes conséquentes.

LE FUTUR : WAGNER, LE MINISTÈRE DE LA DÉFENSE RUSSE ET LA CRÉDIBILITÉ DE VLADIMIR POUTINE

  • On entre en Russie comme dans un moulin
Après les incursions de la Légion des Volontaires Russes (une milice d'extrême-droite anti-Poutin, qui s'infiltre régulièrement dans l'oblast de Belgorod, ayant même plusieurs fois abattu des garde-frontières du FSB, les troupes de Wagner ont été capables de traverser la frontière en deux points, avec des poids-lourds, sans être inquiétés par les gardes frontières.
 Cela confirme que la frontière russe est poreuse, et les forces frontalières mal équipées et peu motivées à faire leur travail.
  • L'armée russe n'a plus de ressources internes
Outre le passage de la frontière, l'épopée routière du convoi de Wagner n'a jamais été en danger, et finit par faire demi-tour sur ordres de son chef. Les troupes internes déploient quelques hélicoptères et avions de surveillance, mais les bombardiers et les blindés ne font pas leur apparition, à part quelques BTR-82 parsemés ici et là autour de Moscou.
Les faits se déroulant dans la zone sud-ouest, qui fait face à l'Ukraine (en guerre contre la Russie) et la Pologne (accusée par la Russie de préparer une invasion), et le gros des forces de l'OTAN, montre que le discours de la "menace OTANienne" ne tient (ben entendu) pas debout : le Kremlin a engagé tous ses moyens en Ukraine, et n'a rien laissé face aux forces blindées de l'OTAN, qui tiennent actuellement la frontière allant de Murmansk à la frontière Biélorusse.
 
La défense de Moscou, face à la prétendue menace de l'Ouest, est une coquille vide. Si l'OTAN attaquait demain, une journée semblerait suffire pour être sur la Place Rouge...
  • Le temps des chefs de guerre
La Rosvgardia tchétchène, contrôlée par Kadyrov, semble être la seule force militaire "officielle" conséquente (et non factieuse) actuellement sur le territoire fédéral de Russie.

L'autre force conséquente est la milice privée Wagner.

L'absence de l'armée du terrain, et la présence très ponctuelle des forces du ministère de l'intérieur (affaibli depuis qu'on lui a retiré ses forces paramilitaires) montre qu'un chef de guerre un minimum équipé, et motivé, est capable d'aller jusqu'à Moscou pour demander des comptes. Et que le pouvoir central fléchira, au moins en partie, face à la menace. Une dynamique de chefs de guerre pourrait donc s'installer, avec un pouvoir central faible maintenu à bout de bras par des groupes armés à la limite du banditisme.

Les oligarques ne s'y trompent d'ailleurs pas, avec la multiplication des SMP à l'intérieur de la Russie, dernièrement chez l'agence spatiale Roscosmos.

  • Vladimir Poutine est mis en difficulté par ses actions et celles de ses proches

Vladimir Poutine, qui dénonçait les révoltés samedi matin, les pardonne samedi soir. Si l'on ajoute les mouvements de la Présidence, avec une fuite possible vers Saint-Pétersbourg, la situation de Poutine s'est grandement dégradée depuis vendredi soir.

Le pouvoir d'un autocrate provient, en tous temps, du soutien des élites du pays, et de l'assurance que le pouvoir tient les choses assez fermement pour que ces dernières puissent s'en mettre plein les poches (pécuniairement ou autres).

Les actions de Vladimir Poutine ces derniers jours ont montré que le contrôle qu'il a sur le pays n'est pas aussi grand que le dit la propagande, et que son état n'est pas aussi fort qu'il l'a laissé entendre.

Le roi est nu.

  • Va-t-on vers une purge massive de l'appareil d'état et militaire russe ?

En tous temps, la Russie a utilisé l'outil de la purge pour éliminer les gens qui ne suivent pas assez la ligne du parti, y compris avec la guerre à l'horizon. On n'oubliera pas les purges de l'Armée Rouge de 1937 à 1939, alors même que Staline prépare l'invasion de la Finlande, des Pays Baltes et de la Pologne (en concert avec l'Allemagne Nazie).

Les dysfonctionnements de l'appareil de défense et de renseignement  russe, ces derniers jours, vont probablement mener à une purge des éléments "problématiques".

L'accord trouvé avec Prigozhin, qui a une dent contre le ministère de la défense depuis des années, pourrait également mener à des purges dans le ministère.

Et, pour finir, il est probable que Wagner soit purgé. Prigozhin dit avoir l'assurance de l'intégration de Wagner dans l'armée russe, mais il est peu probable que le commandement veuille intégrer des troupes factieuses dans leurs rangs.

  • Effets possibles à moyen et long terme sur les opérations en Ukraine

La coupure de la liaison avec le commandement pendant 48h (minimum) avec la prise du QG sud va probablement handicaper les capacités russes en Ukraine pour les semaines à venir.

Le retrait de 25 000 troupes de Wagner du front, avec leurs équipements lourds, est une force conséquente qui ne peux pas être rapidement redéployée en appui contre l'offensive ukrainienne, toujours en cours.

La Russie a perdu dans l'opération des pilotes (15 d'après les dernières informations) et du matériel difficilement remplaçable.

Cette petite invasion a montré que le pouvoir est affaibli, et que la paix intérieure (que Poutine avait promise en cas de guerre avec l'Ukraine et l'Ouest) n'existe pas. Cela aura des effets sur la Russie elle-même, qui sont cependant difficiles à mesurer actuellement.